mercredi 28 mars 2012

Quel est le sens du Carême ?



Le mot « carême » vient du latin quadragesima, qui signifie quarantième (sous-entendu : jour), le quarantième jour étant le jour de Pâques. Ce temps nous rappelle les quarante jours du Christ au désert mais aussi les quarante années que le peuple juif passa en exil avant d’entrer sur la Terre promise. Durant ce temps l’Église nous invite à nous préparer à la grande fête de Pâques qui commémore la Résurrection du Christ, venu libérer tous les hommes du poids de leurs entraves et proposer l’amour à tous.
Le Carême n’est pas seulement un temps de sacrifice ou de pénitence, c’est avant tout une invitation à nous concentrer sur l’essentiel : Jésus-Christ. Mais garder ses yeux sur Lui, le suivre et l’imiter, est exigeant. Cela demande de choisir entre la vie d’amour que propose le Christ et nos petits égoïsmes... Le Carême est un temps pour revenir à l’essentiel et considérer le superflu et l’accessoire à leur juste place. Faire pénitence c’est se détacher de ce qui nous retient, s’ouvrir aux autres et se convertir au Christ pour accéder à la vraie liberté d’aimer comme Lui nous a aimé jusqu’à donner sa vie.
Du mercredi des Cendres, qui nous rappelle que notre vie sur terre n’est qu’un passage, à la nuit de Pâques qui nous montre que l’Éternité nous attend, il y a quarante jours de préparation. Pour atteindre ce nombre symbolique, il faut enlever les cinq dimanches du Carême ainsi que le dimanche des Rameaux, qui ne sont pas des jours de pénitence. En effet, même pendant le Carême, nous sommes invités, le dimanche, à célébrer la Résurrection du Seigneur. À travers la messe de chacun de ces jours de Carême, l’Église nous donne un nouvel élan pour profiter pleinement de ce temps de Carême.

Combien d’amis faut-il pour être heureux ?


Il suffit d’avoir déjà été seul au restaurant ou à une soirée où personne ne vous adresse la parole pour s’en rendre compte : il est difficile d’être heureux sans amis.
L’homme est un animal social et le besoin d’appartenance est fortement ancré dans notre biologie : pour la chasse au mammouth, quatre paires de bras valent mieux qu’une… Ainsi, les recherches montrent que comme les relations amoureuses, les relations d’amitié sont un ingrédient primordial du bonheur.
L'amitié est-elle indispensable au bonheur ?
L'amitié est-elle indispensable au bonheur ? © Tiago Ribeiro, Creative Commons Attribution 2.0 Generic license
Le professeur Oswald a calculé à titre théorique combien d’argent il faudrait gagner en plus par mois pour compenser le fait de ne pas avoir d’amis. La réponse : 6.000 euros.
Mais existe-t-il un nombre optimal d’amis pour être heureux ?
Le docteur Richard Tunney de l’université de Nottingham a tenté de mettre à l’épreuve des faits le vieil adage « Plus on est de fous plus on rit ». Plus de 1.760 Anglais ont répondu à une enquête portant sur leurs relations d’amitié(nombre, ancienneté, qualité, etc.) et leur satisfaction dans la vie en général. Richard Tunney a découvert que les participants qui avaient moins de cinq amis n’étaient que 40 % à se déclarer très heureux. Avoir entre cinq et dix amis augmentait cette proportion à 50 %. Enfin, les personnes ayant plus de dix amis avaient plus d’une chance sur deux (55 %) de se déclarer très heureux. D’une manière générale, les gens qui se disaient « extrêmement satisfaits » de leur vie avaient deux fois plus d’amis que ceux qui se déclaraient « extrêmement insatisfaits ». En revanche, les résultats de l’étude ont montré qu’au-delà de dix, le nombre d’amis supplémentaires n’a plus d’influence sur le bonheur. Par ailleurs, l’amitié n’est évidemment pas seulement une question que quantité : la qualité des relations compte également. À ce niveau, il semble qu’il vaille mieux entretenir ses anciennes relations que d’en créer de nouvelles : pour les participants, les vieux amis proches avaient plus de poids dans la balance du bonheur que les nouvelles relations.

Pourquoi les femmes sont-elles attirées par les hommes plus âgés?

Une analyse des enregistrements de naissance en Suède montre que les couples dont l'homme est plus âgé ont souvent plus d'enfants. 

À travers différentes cultures, les hommes et les femmes ont tendance à préférer les partenaires plus jeunes et plus vieux respectivement, selon l'anthropologue Martin Fieder de l'Université de Vienne (Autriche).


En théorie ces préférences concernant l'âge sont cohérentes avec le point de vue de l'évolution, dit-il. Mais il y a eu peu de données fiables permettant de vérifier si effectivement ces préférences se traduisent en un plus grand nombre d'enfants. 

Martin Fieder et Susanne Huber ont examiné les enregistrements de naissance de la Suède pour vérifier cette hypothèse. Ils ont sélectionné au hasard les enregistrements concernant 5600 hommes et 6000 femmes nés entre 1945 et 1955 et vérifié le nombre d'enfants nés de chacun d'entre eux avant 2003. 

Il s'agit de la plus récente génération ayant cessé d'avoir des enfants, 2% seulement de la population suédoise ayant des enfants après l'âge de 45 ans. 

L'analyse montre que les hommes ayant des partenaires six ans plus jeunes qu'eux-mêmes ont le plus grand nombre d'enfants: 2.2 enfants en moyenne, un nombre relativement élevé dans ce pays qui a longtemps eu un faible taux de fertilité dans le passé. 

En comparaison, les hommes ayant des partenaires 6 ans plus âgées qu'eux ont eu 1.8 enfants en moyenne. 

Les femmes ayant porté le plus grand nombre d'enfants avaient choisi des hommes 4 ans plus âgés qu'elles. Elles ont eu en moyenne 2.1 enfants. 

Fieder fait l'hypothèse que l'évolution d'une préférence pour les femmes plus jeunes chez les hommes est due à la période plus longue de fertilité de ces femmes comparativement aux femmes plus âgées. 

Alors que les femmes peuvent donner naissance à plus d'enfants quand elles choisissent des partenaires plus âgés car ils sont susceptibles d'avoir des ressources financières plus importantes pour supporter une famille que les hommes plus jeunes. 

Toutefois, les hommes qui choisissent comme partenaire une femme beaucoup plus jeune n'ont pas le maximum d'enfants. Les mères étant 10 ans plus jeunes que leurs partenaires avaient environ 2.0 enfants en moyenne. 

Quand la différence d'âge est trop importante, il y a peut-être une plus grande chance de problèmes de fertilité chez l'homme et de désaccord sur la planification de la famille, suggère Fieder. 

Faut-il aimer son travail pour être heureux?


Il n’y a aucun doute que tous ceux qui ont la possibilité d’exercer un métier qui leur plait et surtout de le faire dans un cadre qui soit à la fois enrichissant et valorisant jouissent de conditions idéales. Mais de là à penser qu’il faut cela pour être heureux, c’est un peu comme dire qu’il est faut être beau, jeune, riche et en santé pour avoir du succès dans la vie. Nul doute que ce sont là de gros avantages. Mais si on commence à croire que telles sont les conditions du succès et donc du bonheur, autant dire adieu la planète pour le commun des mortels!

Le travail, un moyen et non une fin en soi
Le travail occupe une place importante dans nos vies, ne serait-ce que par le temps qu’on y consacre. Mais il faudrait voir si on n’a pas eu tendance à en exagérer l’impact, surtout depuis qu’on a tourné le dos à la Civilisation des Loisirs pour célébrer la culture entrepreneuriale et faire de l’ambition le nouveau leitmotiv de l’existence, voire même le critère de qualité de vie qu’on associe au bonheur.
Aurions-nous perdu de vue le fait que pour une personne équilibrée, le travail est sensé constituer un moyen d’accomplir des choses tout en gagnant sa vie et non pas une fin en soi. Le bonheur résulte de ce qu’on est comme personne, avec notre capacité de vibrer et d’aimer, notre ouverture au monde et à la vie qui nous entoure, bien plus qu’à partir de ce qu’on peut accomplir au bureau; c’est d’ailleurs ce que les workaholics n’arrivent pas à réaliser. 
Pour ceux qui en douteraient, je vous invite à faire l’expérience suivante. Demandez à un jeune couple en attente d’un nouveau poupon ce qu’ils souhaitent pardessus tout pour leur bébé.
Combien, pensez-vous, répondront qu’ils espèrent avoir un futur directeur de banque, ou une brillante avocate, ou encore qu’ils souhaitent que leur rejeton gagne des millions comme vedette de hockey? Aucun. Parions plutôt que leur premier vœu sera que le bébé soit en santé. Ensuite, ils parleront de leur espoir que l’enfant grandisse bien et qu’il soit heureux dans la vie, quelle que soit son occupation.
Comme quoi l’équation entre épanouissement dans la vie professionnelle et bonheur ne fait pas systématiquement partie de nos valeurs, du moins au départ ! Et pour tous ceux qui croient bon de garder au moins un pied sur terre, il faut se rendre à l’évidence qu’il est possible d’être heureux dans la vie sans pouvoir toujours faire à sa tête, ni uniquement ce qui nous plaît. Il en va de même du travail !

Autre temps, autres mœurs 
Nous ne sommes plus à l’époque où un individu pouvait entreprendre des études puis travailler dans le domaine de son choix et progresser sans aucun dérangement dans son plan de carrière tout en étant assuré d’une retraite en toute tranquillité d’esprit, grâce à la stabilité et à la reconnaissance de l’entreprise pour laquelle il a oeuvré.
Depuis nombre d’années déjà, plusieurs diplômés (à l’exception de ceux qui ont été dirigés dans un secteur technologique de pointe) n’ont qu’une infime chance d’œuvrer dans le secteur de leurs études. Plusieurs d’entre eux doivent composer avec les postes disponibles, souvent très différents de ce qu’ils souhaitaient faire comme travail. Et que dire de ceux qui n’ont pas fait d’études universitaires, quoique dans bien des cas, ce ne soit ni pire, ni mieux ! 

Aimer son travail…
On sait, grâce au sondage récent mené par l’une des plus grandes sociétés de conseiller en management au monde ( groupe Towers Perrin), que plus de la moitié des travailleurs en Amérique du Nord ne sont pas heureux dans leur vie professionnelle. Ils sont soit surexploités, sous-estimés ou inquiets face à leur avenir alors que d’autres se disent las de faire l’ouvrage qu’on leur confie
Pensons au gardien de sécurité qui passe la nuit à faire ses rondes ou encore à ces préposés aux marchandises qui, soir après soir, doivent regarnir les tablettes du supermarché pour que les étalages soient attrayants et les produits disponibles à la clientèle le lendemain matin. Et ceci est vrai à tous les niveaux. Des professeurs de mathématique ont dû accepter d’enseigner l’Anglais ou la Géographie pour compléter leur charge d’enseignement.
Même chose pour ces notaires qui, après avoir dû fermer leur greffe au milieu des années ’80 parce que la conjoncture faisait en sorte qu’ils n’arrivaient plus à en vivre décemment, ont tenté de se recycler dans l’immobilier ou l’assurance, croyant y voir une certaine parenté avec leur ancienne profession et donc des conditions aidantes pour leur faciliter cette transition.
Or Dieu sait qu’il n’est pas donné à tout le monde de se sentir à sa place dans cet univers particulier de la vente et de la prospection. Chose certaine, ils n’auraient jamais fait de tels choix de carrière de prime abord compte tenu de leur personnalité. C’est dire que bien des gens se retrouvent à faire un boulot dans lequel ils sentent plus ou moins à leur place. 
Évidemment, il est facile de déclarer qu’ils n’ont qu’à changer d’emploi s’ils ne sont pas heureux dans ce qu’ils font. Ce serait tellement plus simple.
Réalisons cependant que dans bien des cas, ils en sont rendus à leur deuxième ou leur troisième poste en quelques années. Convenons qu’il y a une limite à ce qu’on peut avoir comme goût, d’autant plus qu’ils doivent finalement composer avec ce qui leur est accessible.
Alors, sérieusement, comment pensez-vous que ces gens peuvent se sentir intérieurement quand, lors d’une session de formation ou dans des « sales meeting », on répète presque à chaque fois que pour réussir et être heureux dans la vie, il faut aimer ce qu’on fait ? 
J’en ai entendu plus d’un dire qu’ils prenaient cela comme la confirmation qu’encore une fois, ils n’étaient pas à leur place. Convenons qu’à la longue, cela peut finir par être décourageant. Est-ce à dire qu’il faut devenir défaitiste pour autant ? Absolument pas, bien au contraire. Ce qu’il faut, c’est changer son fusil d’épaule. 

L’important, c’est d’y croire
Tout d’abord, il faut cesser de miser sur des formules qu’on voudrait magiques et revenir à la réalité. Premièrement, comme on l’a déjà mentionné, on ne fait pas que ce qu’on aime dans la vie et cela n’a jamais fait mourir personne. Ensuite, et c’est ce qui compte pardessus tout pour donner un sens à notre travail ou nous ragaillardir quand on a un passage à vide, c’est qu’il est nécessaire de croire en l’importance de ce qu’on fait. 
Bien sûr, il est fort probable que le préposé aux marchandises n’arrive jamais à aimer le geste de remplir des étalages. On peut aussi comprendre qu’avec tous les chambardements survenus dans le milieu de l’enseignement, tant au niveau des matières académiques que dans le climat des relations élèves-professeurs, plusieurs enseignants aient de la difficulté à continuer de voir leur cheminement de carrière comme ils l’avaient envisagé quand ils étudiaient en pédagogie.
Alors, ce qu’il faut pour les aider à garder la motivation nécessaire à passer pardessus certaines déceptions et les encourager à faire leur boulot au meilleur d’eux-mêmes, c’est qu’ils continuent à croire en la nécessité et la valeur du service qu’ils rendent: éduquer les jeunes, leur donner le goût de développer leur potentiel, etc. Et il en est de même de tous les autres boulots qui nécessitent efforts et constance.
Évidemment, c’est facile d’aimer ce qu’on fait quand les affaires vont bien! Mais quand le quotidien semble plus lourd à supporter, on a besoin de pouvoir se raccrocher à du solide et c’est alors que nos convictions ont plus d’impact que de simples souhaits. 
C’est qu’on touche alors au cœur de ce qui nous incite à performer, soit le goût d’être fier de soi, de se sentir satisfait et de vibrer. Or, n’est-ce pas justement ce qui se produit quand on agit par conviction ? 
André Gareau

Les hommes ne disent pas facilement "je t'aime".



Les hommes ne disent pas facilement "je t'aime".

Les hommes, c'est bien connu, ne disent pas facilement "je t'aime". On a longtemps prétendu que ce n'est tout simplement pas dans leur nature d'être sentimental.

D'autres ont plutôt préféré mettre ça sur le dos de leur éducation. À preuve, ne répète-t-on pas encore de nos jours que les gars sont plus incités à masquer leurs émotions que les filles. Pourtant, quand on songe au rôle prépondérant de la mère dans l'éducation aussi bien des gars que des filles, il y a de quoi être surpris de la persistance de ce double standard !

Quoiqu'il en soit, on a cherché à mettre de l’avant toute une panoplie de théories, que ce soit pour tenter d'analyser, parfois d'excuser, mais plus souvent qu'autrement pour blâmer les mâles de cette soi-disant carence affective.

D'ailleurs, la dernière lubie à la mode ne veut-elle pas que tout cela vienne du fait que les hommes seraient des êtres qui ont peur d'aimer et encore plus peur de s'attacher ? (incidemment, les succès de la télésérie Les Invincibles qui a surfé sur cette vague ici au Québec il y a quelques années, puis en France et bientôt aux États-Unis, illustre très bien ce phénomène).

Mais, est-ce bien le cas ? Est-ce vraiment parce qu’il en est foncièrement incapable que l'Homme n'arrive pas à prononcer ces mots idylliques ? Ou bien n'y aurait-il pas d'autres raisons ?

Se pourrait-il qu'au fil des années pour ne pas dire des dernières générations, plusieurs d’entre eux aient accumulé des raisons d'hésiter à s'aventurer dans ce qui leur paraît désormais davantage comme une galère ?

Se pourrait-il que, contrairement à ce qu'on prétend, ce ne soit pas autant par incapacité d’aimer que par refus d'obtempérer aux caprices de cette "femme nouvelle" qu'il aurait déchanté ?

Faudrait voir si ce renouveau qu'on souhaite lui faire endosser l'intéresse ? Peut-être considère-t-il qu'il n'y trouve plus son compte. D'où son désinvestissement !

En définitive, est-ce de l'Amour et de l’engagement dont l'homme est incapable ou s'il ne déchante pas tout bonnement de cette nouvelle alliance qu’on lui propose mais qui ne l’attire plus autant qu'avant ?

Le lyrisme du troubadour aurait-il dégénéré pour se transformer en méfiance de la mégère ? Bref, l'Ode à Cassandre serait-elle réécrite de nos jours autrement qu’en chanson ?

Pourtant, l'Amour des hommes est loin d'être mort. Les mâles ont un besoin réel d'amour et de tendresse, autant à donner qu'à recevoir. Ils en manquent même au point d'avoir mal. Et ils le cherchent avidement.

D’ailleurs, ne voit-on pas de plus en plus d'hommes revendiquer leurs droits à la paternité et la garde de leurs enfants. Ils le font par amour, par besoin d'attachement et par désir de stabilité. Si ce n'est pas cela qu'on appelle accepter de s'engager, alors je me demande bien ce que c'est !

Ceci étant dit, comment expliquer qu’il en soit si différent envers les femmes ? Faudrait peut-être qu’on songe à examiner certaines réalités par l'autre bout de la lorgnette !

Et à fortiori si on se veut aidant… 
.
Par André Gareau, Conférencier, Auteur, Psychothérapeute
Coach, Consultant en développement humain
Boisbriand, Québec, Canada 

Du pouvoir et des mots


Comment Freud analysait
(Paul Roazen)
(6ème partie)
Du pouvoir et des mots
Dans les dernières années de sa vie, Freud fait référence à « l'attitude affectueuse [du patient] [...] le transfert positif [...] qui est le motif le plus puissant pour faire participer le patient au travail commun de l'analyse ». Dans l'ensemble, cependant, «les analystes freudiens [ne] parlent [pas] beaucoup du transfert positif dans leur pratique. Ils travaillent, pour la plupart, le versant négatif du transfert, essayant de libérer la haine et les ressentiments, en sorte d'ouvrir la voie à une capacité d'amour sans entraves ».
Wilhem Reich alla même jusqu'à fonder tout un programme thérapeutique sur l'interprétation du transfert négatif. C'est en partie sous son influence que 1' « agression refoulée » eut un si vif succès parmi les analystes de la fin des années vingt et du début des années trente.
Freud savait qu' « il n'est pas si facile de jouer de cet instrument qu'est le psychisme ». Si un patient arrive à avoir une claire intelligence de sa vie émotionnelle, a-t-il de ce fait perdu quelque chose? Peut-être. Le prix de la conscience de soi est parfois très élevé. Une vieille rengaine d'Europe centrale l'illustre parfaitement.
C'est l'histoire d'un mille-pattes à qui l'on demande un jour comment il sait quel pied mettre devant l'autre; plus jamais il n'a marché. Bien que Freud ait convenu de la justesse d'une telle réserve à l'égard de la psychanalyse, sa méthode thérapeutique était foncièrement négative. Qu'il ait été négativiste, on peut le voir sur n'importe quelle photographie montrant son regard profond et perçant.
Freud a surtout attiré notre attention sur le fait que le psychisme est étranger à lui-même; et il supposait que les patients savent mieux que l'analyste comment assembler les éléments de leur vie et comment la vivre. L'exigeait d'eux qu'ils mûrissent; il espérait beaucoup de l'humanité.

Même s'agissant d'esthétique, il était loin d'être un romantique: « Le véritable art commence avec la dissimulation de l'inconscient. » Il admirait l'écrivain Henril: Ibsen: « Ibsen, avec sa maîtrise de soi, sa manière d'unifier et de simplifier les problèmes, et avec son art de la concentration et de la dissimulation, est un grand poète, alors que Hauptmann est le névrosé typique, qui se dépeint lui-même. »
Freud était pour un art civilisé; comme il le dit un jour à propos d'une pièce de théâtre: « Je ne perçus aucune beauté poétique dans le drame; le héros est un chien dément pour asile d'aliénés [...] L'art du poète ne consiste pas à dénicher les problèmes et a s en occuper. Cela, qu'il le laisse aux psychologues. Bien plutôt, l'art du poète consiste à produire des effets poétiques avec de tels problèmes [...] L'art du poète consiste essentiellement à voiler. »
Il pensait que « l'essentiel de l'ars poetica repose sur la technique par laquelle il recouvre le sentiment de répulsion en nous qui est sans aucun doute en rapport avec les barrières qui se dressent entre chaque moi et les autres ». Les acteurs, comme les poètes, devaient demeurer à distance de leur personnage et se contrôler: « C'est une des illusions courantes que de croire qu'un acteur doit s'identifier à son rôle. S'il s'identifie trop à son rôle, il échoue.

En un certain sens, il doit rester au-dessus de son rôle. De la même manière qu'il avait des doutes à propos de Dostoïevski, Freud signalait «les limites imposées à l'utilisation de personnages anormaux sur la scène [...] Si nous sommes confrontés à une névrose étrange et tout a fait installée, nous aurons envie de l'envoyer chez le médecin (exactement comme nous le faisons dans la vie réelle) et à déclarer le personnage inacceptable sur une scène ».
Freud poussa le rationalisme jusqu a tenter de trouver des «formules» pour décrire l'âme humaine. Il parlait de « la direction dans laquelle la solution assez simple de cette névrose devra être cherchée » comme si le patient était une énigme que l'on pouvait résoudre. Bien que de temps en temps, il ait élevé des objections contre certaines formules particulières qu'il considérait comme «assez ennuyeuses», il ne les rejetait pas en principe.
C'est à cette attitude assez mécaniste que Jung s'opposa; et cette même attitude égarait certains de ses patients, qui mettaient tous leurs espoirs dans la solution de leurs traumatismes infantiles. Ce grand désir de Freud de structurer le matériel clinique en formules ne faisait qu'un avec sa visée thérapeutique: détacher le patient de ses réactions émotionnelles primitives.
Il était plus intéressé par la magie des mots que par les gestes, et il comptait ferme sur l'aptitude du patient à exprimer verbalement ses problèmes. L'usage du divan forçait l'analyste à se fier avant tout à la puissance rationnelle de l'intelligence des mots.

« A l'origine, les mots étaient magiques, et de nos jours, ils ont gardé beaucoup de leur ancienne puissance magique. Avec des mots, une personne peut en rendre une autre merveilleusement heureuse ou la plonger dans le désespoir. Avec des mots, le professeur transmet son savoir à ses élèves; avec des mots, l'orateur transporte son auditoire et détermine son jugement et ses décisions.
Les mots provoquent des affects et constituent en général le moyen par lequel les hommes s'influencent les uns les autres. Ainsi ne devons-nous pas négliger la valeur que présente l'usage des mots en psychothérapie, et nous contenter d'entendre les mots qui circulent entre l'analyste et son patient. »
Après une interprétation correcte, il lui arriva de s'exclamer: « Maintenant, je mérite un cigare! » Depuis que Freud est mort, la communication non verbale en thérapie a eu un franc succès, mais elle vise à fortifier le moi du patient en stimulant son aptitude à dire ce que sont ses sentiments.
Freud reconnaissait que la « perlaboration » des résistances d'un patient « est certainement dans la pratique une tâche ardue pour le sujet en analyse et une épreuve de patience pour l'analyste »,mais il n'était pas particulièrement intéressé par cet aspect de la cure. il préférait reconstruire une scène de la petite enfance, car cela faisait mieux venir au conscient l'inconscient, plutôt que de fixer son attention sur les détails de la manière dont le patient venait à bout de ses résistances. Par exemple, l'un de ses patients avait peur des masques; Freud ne lui permit pas d'éviter d'en parler; il voulait savoir pourquoi les masques l'effrayaient.
Le patient lui dit que c'était à cause de la fixité de leur expression, à quoi Freud répliqua que la solution analytique lui semblait simple: à l'âge de trois ans, il devait avoir vu le visage de sa mère morte. Or, il ne se souvenait absolument pas être resté seul avec la dépouille de sa mère dans la chambre mortuaire, mais sa sœur confirma plus tard que ç'avait été le cas. Freud avait en vérité grand plaisir à dénicher l'origine d'une menue phobie comme celle-là.
En 1920 encore, il arrivait à Freud de terminer brutalement une analyse, l'hypothèse opératoire d'un tel acte étant qu'il revenait désormais au patient de terminer le déchiffrage. Néanmoins, le soutien de l'analyste, comme ses éclaircissements interprétatifs, sont bénéfiques pour le patient.
Comme le racontait Franz Alexander: « Je ne fus pas surpris d'entendre [Freud] dire que, selon son expérience, dans la majorité des cas, la réussite de la cure reposait sur la confiance totale que le patient accordait à son analyste, même s'il pensait ne jamais plus le revoir. ».

Les patients de Freud appréciaient tout autant l’élément de soutien que comportait la cure avec lui, que la façon dont l'analyse leur permettait d'en apprendre plus sur eux-mêmes. Le moi d'un patient sera fortifié par son identification avec la clairvoyance rationnelle de l'analyste; mais l'analysant doit pouvoir se servir de ce dont il a besoin dans l'analyse, et l'absence de directives lui donne précisément l'occasion de le faire.
Un aspect particulier de la pratique de Freud a déteint sur le travail d'autres analystes: sa façon d'utiliser au maximum des images de domination et de maîtrise pour décrire la méthode thérapeutique qu'il avait inventée. Si les vieilles gens étaient pour lui « inaccessibles » à l'analyse, il soutenait que « les jeunes, avant l'adolescence, sont souvent beaucoup trop influençables ».

Il se servait du concept de « conquête » pour décrire la relation qui doit s'instaurer entre l'analyste et le patient. Consulté par l'un de ses disciples, il lui écrivit: « Peut-être lui montrez-vous trop d'impatience et d'ambition thérapeutique, au lieu de vous concentrer exclusivement sur sa conquête personnelle.»
Freud se montra inébranlable et tranchant sur ce point: «L'analyse [...] présuppose le consentement de la personne qui sera analysée, et une situation dans laquelle il y aura un supérieur et un subordonné ».
Il lui arriva de parler d'un patient «désobéissant», et de dire, à propos de la période finale d'une analyse: « quand la bataille fut presque gagnée [...] ». Il faisait grand usage des métaphores guerrières: « On n'a pas nécessairement besoin de choisir comme champ de bataille les positions clés de l'ennemi. »

La résistance à l'analyse n'était-elle donc qu'un combat contre Freud? Dès le début, les Américains renièrent un certain air d'autorité dans le cercle qui l'entourait, qui par ailleurs, pour les patients d'Europe centrale, ressemblait tout simplement à une monarchie éclairée. Freud n'avait pas été élevé avec l'idée démocratique que l'opinion d'un homme vaut tout autant que celle d'un autre.
Nombre de ses patients avaient une conscience aiguë de la tendance de Freud à la tyrannie. Il usait en effet de l'intimidation, même si par ailleurs, le patient pouvait se croire responsable de la situation analytique. Un exemple: un homme qui se masturbait compulsivement passa sept années en analyse avec Freud; au cours du premier ou du second mois de son analyse, ce dernier lui dit qu'il ne ferait aucun progrès s'il ne cessait pas de se masturber.
Rétrospectivement, le patient eut le sentiment que Freud avait perverti l'analyse en se comportant comme ses parents. il aurait mieux fait de choisir la tactique inverse, mais il affirmait que les choses avaient un fondement physique et que tant que la libido n'avait pas été envoyée au diable, la voie de la sublimation restait fermée.
Selon lui, la satisfaction masturbatoire empêchait que l'on rêvât comme il fallait rêver pour une analyse. (Il pensait en effet que pour mieux faire émerger le matériel psychologique, il fallait renoncer quelque peu au plaisir.) Mais pour ce patient en particulier, qui avait déjà peur des femmes, une telle injonction ne fit que renforcer ses inhibitions.

Mais le fait que l'analyse est une situation unilatérale est peut-être plus important que la particularité d'aucune interprétation. Puisque c'est le patient qui s'épanche, alors que l'analyste reste distant, il n'est pas étonnant que Freud ait dit que le patient était « soumis » à l'analyse. Peut-être ce dernier considère-t-il à juste titre que les interprétations de l’analyste sont une forme de critique, car elles impliquent que l'analysant ne sait pas ce qu'il dit.
La soumission est inhérente à l'usage du divan - car le patient est allongé alors que l'analyste est assis. Du fait de l'autoritarisme implicite de cette mise en place, le patient peut difficilement conserver son jugement critique. D'ailleurs, le traitement vise à produire chez lui une régression temporaire pour qu'advienne ultérieurement une résolution constructive.
L'échange-don entre deux partenaires implique un égalitarisme que bannissait la conception freudienne de l'analyse. Freud ne se faisait aucune illusion sur les positions de pouvoir en général; du moins n'était-il « pas enclin à considérer les Césars comme des malades mentaux.
C'était leur position qui les conduisait aux excès; il ne faut pas donner aux gens cette sensation d'un pouvoir sans limite ». Comme il l'apprit par sa profession même, « lorsqu'un homme est doté de pouvoir, il lui est difficile de n'en pas mésuser ».

Avec les patients qu'il aimait bien, Freud pouvait se montrer naturel et tolérant envers lui-même, même s'il avait commis une faute. Comme il l'écrivit, dans certaines conditions, « nous reconnaissons que nous avons commis une erreur, et nous pouvons l'admettre devant le patient, si les circonstances s'y prêtent, sans rien sacrifier de notre autorité».
Il avait le don de gagner certains de ses patients à toutes ses doctrines, et avec ceux-là, l'échange-don était possible. Mais celui qui se mettait d'emblée en concurrence avec lui constituait une menace. Une analyse qui commençait dans une atmosphère de rivalité avec lui était rapidement ruinée.
Dans sa vieillesse, Freud se montra parfois arbitraire. Au moment des vacances de Noël, l'un de ses patients étant parti aux sports d'hiver, il en prit un autre à sa place. Et à son retour, le vacancier fut averti qu'il devrait à présent attendre son tour. Freud se sentait justifié à agir de la sorte car pour lui, le patient n'était pas habilité à décider quand travailler et quand se reposer.
Mais Otto Rank était persuadé que Freud voulait enchaîner ses disciples par la dépendance, et en particulier que le concept freudien d'homosexualité latente était une façon de tyranniser les gens. Au moins un des patients de Freud termina son analyse sur une dépression causée par la question de l'homosexualité inconsciente.

Le pouvoir de l'analyste est plus complexe dans le cas d'une analyse didactique, car il est alors en position d'influer sur la carrière professionnelle de son analysant. Dans quelle mesure Freud vint-il en aide à ses patients?
Il est difficile d'en juger; l'une dit qu'elle en sortit complètement transformée, beaucoup s'en trouvèrent moins déprimés par leurs inaptitudes, tandis que d'autres gardaient les mêmes symptômes malgré l'analyse, et que quelques-uns finirent dans une institution psychiatrique. Mais pour ses élèves qui devinrent analystes, avoir été analysés par Freud était un avantage professionnel.
Au tout début des années vingt, il n existait rien de tel que les analyses sous « contrôle », menées par des analystes en formation sous la surveillance d'analystes plus expérimentés. On pouvait consulter Freud sur un problème difficile, mais il n'encourageait pas trop cette pratique; il voulait que ses élèves apprennent par eux-mêmes et qu'ils aient confiance en leur propre jugement.
Ce qui n’empêchait pas certains analystes étrangers de débarquer avec leurs patients difficiles, espérant que Freud les sortirait de l'impasse où ils se trouvaient avec eux. A la fin des années vingt, la Société psychanalytique de Vienne était hautement organisée, avec des cours et des procédures de formation menés par des membres autres que Freud; après quelques mois d'analyse, sorte de période d'essai, l'étudiant en formation était invité aux réunions.

Comme les étrangers ne pouvaient pas rester très longtemps à Vienne, ils étaient autorisés à venir aux réunions plus tôt que les autres. Peu à peu, le contrôle des analystes en formation se formalisa; mais la position générale à Vienne, qui reflétait l'opinion de Freud, était que ces analyses didactiques n'avaient pas autant d'importance que le développement des talents thérapeutiques du candidat.
Les analystes ne contrôlaient pas les analyses menées par leurs propres analysants, mais une séparation plus radicale entre la formation et l'analyse aurait permis d'éviter que l'orthodoxie se perpétue et que le talent ne soit étouffé.
Freud pensait que les analyses didactiques ne pouvaient « pas être menées exactement comme les analyses thérapeutiques ». Les candidats étaient d'ailleurs autorisés à entretenir avec lui des relations sociales qui sinon auraient été inadmissibles. L'idée de la neutralité analytique avec les élèves est en effet assez neuve. En 1926, Freud écrivait qu' « il faut compter environ deux ans pour une telle formation ». Et en 1937: « Pour des raisons pratiques [...] l'analyse [didactique] ne peut être que brève et incomplète. Son objectif principal est de permettre à l'enseignant de juger si le candidat peut être admis à poursuivre sa formation.

Elle a rempli son usage si elle a donné à l'apprenti la ferme conviction de l'existence de l'inconscient, si elle lui permet, quand émerge un matériel refoulé, d'apercevoir en lui des choses qui autrement lui auraient semblé incroyables, et si elle lui donne un premier échantillon de la technique qui s'est avérée la seule efficace dans le travail analytique. »
Selon Freud lui-même, dans ses « vieux jours », il a « essentiellement mené des analyses didactiques », et en 1937, il avait suffisamment corrigé son opinion sur l'analyse comme thérapie, et était assez marqué par les contraintes qu'imposait le matériel analytique, pour faire cette recommandation: « Tout analyste devrait périodiquement - à des intervalles d'environ cinq ans - se soumettre à nouveau à l'analyse, sans avoir honte de faire ce pas. »

Evidemment, un tel conseil suppose que les analyses ne sont pas interminables, bien que la découverte de soi-même soit sans fin; comme les analyses didactiques ont eu tendance à s'allonger au fil du temps, la proposition de Freud, qui n'est nulle part suivie de nos jours, impliquerait une analyse pratiquement permanente.
La pratique de l'analyse comporte pour l'analyste une tentation, celle de déplacer sa vanité personnelle sur l'analyse. il est en effet facile de croire que si seulement les analyses étaient plus longues et plus approfondies, elles réussiraient mieux. Un analyste peut le penser sans paraître vaniteux, puisque c'est la situation analytique qu'il offre, soit quelque chose de très particulier, et pas seulement sa propre personnalité.

Mais Freud ne pouvait pas prévoir tous les problèmes que rencontrerait dans l'avenir la formation des analystes, ne serait-ce que parce que de son temps, la psychanalyse n'était pas aussi bureaucratisée qu'elle le devint très rapidement.
Peut-être la difficulté majeure avec la psychanalyse est-elle son perfectionnisme. L'idéal, par exemple, de l'analyste complètement analysé, qui est censé avoir été lavé de toute trace de névrose, est un mythe né des incertitudes et du manque d'assurance des premiers analystes.
Plus tard, on assista à une sorte de ritualisation vertueuse; ne pas se servir du divan fut considéré comme haute trahison, s'abstenir d'analyser le transfert négatif également (par peur d'une guérison transitoire « purement » suggestive).
Et l'idée que Freud était un dieu irréprochable est du même ordre que le mythe de l'analyste parfaitement analysé. Les analystes sont des hommes, et attendre à la neutralité dans la technique est tout simplement impossible.
Mais à la fin de sa vie, Freud n'était pas du tout d'humeur à faire des compromis sur la pratique de la cure: « il est [...] raisonnable d'attendre d'un analyste, comme une part de ce qui atteste ses qualifications, un certain niveau de normalité psychique et de rectitude.

De plus, il doit posséder une sorte de supériorité, telle que dans certaines situations analytiques, il puisse agir comme un modèle pour son patient, et dans d'autres, comme un professeur. Enfin, nous ne devons pas oublier que la relation analytique est fondée sur l'amour de la vérité - c'est-à-dire sur la reconnaissance de la réalité - et que cela exclut toute imposture et toute tromperie. »
Les écrits de Freud ont contribué à susciter chez certains de ses partisans des espoirs peu réalistes. En 1913, il avait cette ambition: « Le temps n'est pas si lointain où il sera unanimement reconnu qu'aucun trouble nerveux ne peut être compris et soigné sans faire appel à la manière psychanalytique et souvent aussi à la technique de la psychanalyse. »
Malgré la grande humanité dont Freud pouvait à l'occasion faire montre, il se permettait de considérer le fait de tenir un journal intime comme un « trait névrotique ». Et bien qu'il soit affranchi de la plupart des valeurs bourgeoises, lorsque l'un de ses premiers disciples se maria finalement sur le tard, il lui fit ce compliment: « Maintenant, vous êtes normal. »

Freud avait pris la précaution de marquer les limites de la technique analytique; il avait déterminé nombre de « contre-indications » pour la cure, mais les premiers analystes voulaient pratiquement tout analyser. Au sanatorium de Simmel, près de Berlin, qui fonctionna cinq ans avant de faire faillite, tout un chacun - les infirmières, et même les concierges - était supposé être passé sur le divan.
On oubliait facilement que la psychanalyse est une technique spécifique applicable à des problèmes particuliers. Comme l'écrivit à Freud en 1911 le Suisse Binswanger: « Je ne suis fier d'aucun succès, s'il n'est acquis par la voie de l'analyse, et [...] toute guérison me laisse insatisfait, si elle n'est analytique. »
Plus tard, Binswanger revint sur son idée: « Je croyais alors [...] que presque tous les malades devaient être analysés. il me fallut dix ans de travail et de déceptions avant de réaliser que l'analyse ne convenait qu’a un certain nombre de cas dans notre institution.

En pratique, Freud savait que la santé et la maladie ne pouvaient pas être nettement distinguées l’une de l’autre. A son cher élève Karl Abraham, il écrivit: « Nous présentons tous ces complexes, et nous devons nous garder de traiter tout un chacun de névrosé.
A un autre favori, Sandor Ferenczi, il écrivit encore: « il ne faut pas tenter de supprimer ses propres complexes, mais d'y mettre des limites; ils constituent les forces directrices légitimes de notre comportement dans le monde. »
Un médecin guérit-il vraiment? N'aide-t-il pas plutôt le corps à se guérir lui-même? Freud racontait un jour: « Un chirurgien du temps passé avait pris pour devise: « Je le pansai, Dieu le guérit. L'analyste devrait se contenter de quelque chose d'analogue. »
Freud avait du goût, et il critiqua fermement certains aspects d'un article de Wittels sur l'écrivain viennois Karl Kraus: « L'analyse est [...] censée rendre les gens tolérants, et à une telle vivisection, on pourrait reprocher en toute justice d'être inhumaine. »
Il dit un jour à la Société: « Nous n avons pas le droit d'exhiber les névroses, là où il s'agit d'une grande réalisation. » Mais il fut bien plus dur à l'égard d'un article de Sadger sur Heinrich von Kleist: « Ce n'est pas faire justice à une personnalité que de n'insister que sur l'anormalité de ses comportements sexuels, sans discerner les rapports étroits qu'ils entretiennent avec les autres forces psychiques de l'individu [...]

Il faut aussi faire reproche à Sadger d'avoir une prédilection particulière pour la brutalité [...] Notre tâche ne consiste pas à énoncer des vérités nouvelles, mais plutôt à montrer de quelle manière elles peuvent advenir.
Une certaine somme de tolérance doit passer de main en main avec une intelligence de plus en plus profonde des choses [...] pour que la vie demeure supportable. Freud formula ce qu'il reprochait à cet article « répugnant » avec le plus grand tact: « Sadger n'a pas acquis cette tolérance, du moins n'est-il pas capable de l'exprimer. »
Il n'est pas étonnant de constater que dans ce maelstrom d'idées contradictoires qui tourbillonnaient autour de Freud, quelques-uns s'égarèrent. Quels standards de normalité devons-nous adopter? Ceux des concepts que Freud a formellement formulés ou ceux de sa vie telle qu'il l'a vécue?
Freud aurait certainement approuvé le but de ce grand artiste que fut Picasso: « La tension a bien plus d'importance que le stable équilibre de l’harmonie, qui ne m'intéresse pas [...] Je veux attirer l'esprit dans une direction inhabituelle et le réveiller. » Le concept freudien de la santé, bien que rarement défini, n'était donc pas sans intérêt.
La psychanalyse, en tant que mouvement, a grandi si vite qu'elle s'est parfois trop fait valoir comme thérapie; les Américains en particulier s'en sont montrés coupables. Mais les autres aussi, les kleiniens par exemple, qui ont fait de la vérité psychologique un équivalent de la santé. La psychanalyse viennoise, sous la conduite de Freud, avait été une façon d'aider les gens à trouver leurs propres compromis.
Comme Jung le vit plus tôt que la plupart des autres, la psychanalyse en soi ne peut être un processus de maturation, elle ne peut que débarrasser le chemin de quelques obstacles encombrants.
En 1904, bien avant que n'éclatent les querelles doctrinales qui bouleversèrent le mouvement analytique, Freud avait émis cette simple proposition: « De nombreuses particularités de la méthode analytique l'empêchent d'être une forme idéale de thérapie [...] Du patient, elle exige une parfaite sincérité - en soi, un sacrifice [...]

Je considère qu'il est parfaitement justifié de recourir à des méthodes de traitement qui conviennent mieux, pour autant qu'elles ouvrent une perspective d'aboutir à quelque chose. C'est, après tout, le seul point à considérer. »
Comme le dit Jones, Freud a mis les analystes en garde contre « une ambition excessive, qu'elle soit de nature thérapeutique ou culturelle. On ne doit jamais exiger d'un patient plus que ce que lui permettent ses capacités naturelles ».
A la fin de sa vie, il en vint à conclure que les facteurs constitutionnels limitaient considérablement l'efficacité thérapeutique du processus analytique. Ainsi Binswanger rapporte-t-il qu'en 1936, au cours d'une conversation: « Freud, à [sa] grande surprise, fit cette brève remarque: La constitution est tout. » En 1937, Freud écrivait: « On ne devrait pas être surpris de constater en fin de compte que la différence entre une personne qui n'a pas été analysée et le comportement d'une personne après qu'elle ait été analysée n'est pas aussi radicale que nous y aspirons, que nous attendons qu'elle soit, et que nous soutenons qu'elle doit être.
Il considérait l'état critique de l'homme en général avec stoïcisme: « L'un des mots favoris de Freud était [...]: On doit apprendre à supporter une certaine dose d'incertitude. » Il n'en reste pas moins que pour le cercle qui s'était assemblé autour de lui, les possibilités thérapeutiques de l'analyse étaient aussi attrayantes que la perspective d'absolue compréhension finale que ses idées avaient induite.
Et certaines des qualités personnelles de Freud, qui marquèrent sa technique comme ses théories, ont aussi servi de stimulus aux dissidents, qui essayèrent de suivre son modèle en fondant leurs idées sur leur propre expérience scientifique et leur connaissance de plus en plus profonde de soi.

La tendresse est-elle une maladie ?


La tendresse est-elle une maladie ?
(Michael Balint)
Nous espérions que ce type de relation génitale nous donnerait quelque idée de ce qu'est l'amour génital authentique, or le résultat est décevant. Apparemment la satisfaction génitale n'est qu'une condition nécessaire mais non suffisante de l’amour génital.
Nous avons appris que l'amour génital était bien plus que la gratitude ou la satisfaction suscitée par la disponibilité du partenaire à la satisfaction génitale. Nous avons également appris qu'il était absolument indifférent que cette gratitude ou que cette satisfaction soit unilatérale ou réciproque.
Qu'est-ce que ce « plus » ? Outre la satisfaction génitale, nous trouvons dans une véritable relation d'amour :
1) l'idéalisation,
2) la tendresse,
3) une forme particulière d'identification.
Puisque Freud a traité du problème de l'idéalisation, tant de l'objet que de la pulsion il me suffira de reprendre ses constatations. En premier lieu, il a démontré que l'idéalisation n'est pas absolument indispensable, qu'une bonne relation d'amour est possible sans aucune idéalisation; deuxièmement, que dans de nombreux cas l'idéalisation ne favorise pas, mais gêne le développement d'une forme satisfaisante d'amour.
Par conséquent nous pouvons écarter cette condition qui, elle non plus, n'est pas absolument indispensable.
Il en est autrement en ce qui concerne le second phénomène, la tendresse (Zärtlichkeit). Depuis que Freud l'a mentionné pour la première fois, toute la littérature analytique s'est servie de ce terme dans deux acceptions différentes.
Selon la première, la tendresse serait le résultat de l'inhibition quant au but. En fait, la tendresse est l'exemple le plus souvent cité de l'inhibition quant au but a l'origine, la pulsion était dirigée vers un certain but mais, pour une raison ou une autre, elle a dû se contenter d'une satisfaction partielle, c’est-à-dire de beaucoup moins que le but initial.

Selon cette théorie, la tendresse est un phénomène secondaire, elle n'est qu'un représentant atténué du but original; et en raison de ce caractère de « faute de mieux elle n'aboutit jamais à la satisfaction complète, autrement dit elle implique toujours une certaine frustration.
Selon la seconde théorie, la tendresse est un trait archaïque, qui apparaît conjointement à des pulsions archaïques d'auto-conservation, et qui n'a pas d'autre but que cette satisfaction paisible et sans passion. Par conséquent l'amour passionné doit être un phénomène secondaire, superposé à l'amour tendre archaïque.
On peut étayer cette seconde théorie par quelques faits démonstratifs fournis par l'anthropologie. En régie générale, les différentes formes de civilisation peuvent être classées selon deux types.
Le premier comprend l'amour passionné, l'idéalisation de l'objet ou de la pulsion, le renforcement social rigoureux de la période de latence, la galanterie, l'abondance des chansons et des poèmes d'amour, l'hypocrisie sexuelle, la valorisation de la tendresse et généralement une technique amoureuse compliquée et bien développée.

Dans le second type, la société ne semble pas trop se préoccuper de renforcer la période de latence, en fait il n'y a pratiquement aucune exigence sociale dans le sens de l'abstinence sexuelle à quelque âge que ce soit ; la galanterie et les chansons d'amour existent à peine, la poésie amoureuse est médiocre, l'idéalisation et la tendresse sont très réduites ; par contre, il y a une sexualité génitale simple, directe et sans complications.
Il se peut que la passion amoureuse comme la tendresse excessive ne soient que des produits « artificiels» de la civilisation, le résultat d'une éducation recourant systématiquement à la frustration. Ainsi la contradiction apparente entre les deux acceptions du terme de « tendresse » employées par Freud pourrait être levée : la tendresse n'est pas une inhibition secondaire quant au but, mais un développement inhibé.

L'étymologie semble également renforcer cette idée : l'allemand zart, racine de Zärtlichkeit, signifie : pas fort, délicat, jeune. Il en est de même en ce qui concerne le mot français : tendre. Alix Strachey traduit Zärtlichkeit par affection, fondness, tenderness. Parmi ces termes, affection a une double signification : outre la tendresse, il signifie maladie ou faiblesse, comme lorsque nous parlons d'une affection cardiaque ou rénale.
Assurément, il y a là une certaine confusion. Comment l'amour génital, la forme évoluée de l'amour, s'est-il retrouvé en cette compagnie douteuse où l'on rencontre la maladie, la faiblesse, l'immaturité, etc. ?
Fait plus surprenant encore : selon la littérature psychanalytique, les formes prégénitales de l'amour ne vont pas nécessairement de pair avec la tendresse, tandis que l'amour génital ne devient tout à fait lui-même qu’après avoir poussé très loin sa fusion avec la tendresse.

L'amour est-il un produit de la civilisation ?


L'amour est-il un produit de la civilisation ?
(Michael Balint)
L'une des tâches de toute éducation, et tout particulièrement de celle en vigueur dans notre type de civilisation, est sans aucun doute d'apprendre à l'individu à aimer, c'est-à-dire de l'amener à réaliser cette sorte de fusion. Ce que nous appelons amour génital n'a vraiment pas grand-chose à voir avec la génitalité ; en fait, ce type d'amour utilise seulement la sexualité génitale comme un tronc, pour y greffer quelque chose d'essentiellement différent.
Bref, on attend de nous et nous espérons recevoir de la gentillesse, de l'attention, de la considération, etc., même lorsqu'il n'est pas question de désir génital ou de satisfaction génitale. Ceci est contraire aux mœurs de la plupart des animaux, qui ne montrent de l'intérêt pour l'autre sexe que lorsqu'ils sont en chaleur. Par contre, on présume que l'être humain manifeste constamment pour son partenaire un intérêt et une considération inaltérables.

On peut mettre en parallèle cette demande de considération permanente et l'enfance prolongée de l'homme. Les animaux, lorsqu'ils ont atteint la maturité sexuelle, ne manifestent plus d'attachement filial ou émotionnel à leurs parents, mais seulement le respect dû à leur force et à leur puissance. Mais nous, nous exigeons une reconnaissance éternelle et, en fait, l'homme demeure un enfant aussi longtemps que ses parents vivent, sinon jusqu'à la fin de ses jours.
Toute sa vie il est supposé éprouver, et éprouve en général, de l'amour, de la considération, du respect, de la crainte et de la gratitude envers ses parents. En amour, on exige quelque chose du même genre: un lien émotionnel continu, perpétuel, non seulement tant que dure le désir génital, mais longtemps après, durant toute la vie du partenaire, ou même après sa mort.

Vu sous cet angle, ce qu'on appelle « amour génital » est un artefact de la civilisation, comme l'art ou la religion. Cela nous est imposé, sans égards pour notre nature et pour nos besoins biologiques, par le fait même que l'homme est obligé de vivre en groupes socialement organisés. L'amour génital est même doublement artificiel. Premièrement, son interférence constante avec une satisfaction sexuelle libre (génitale et pré-génitale) établit des résistances externes puis internes contre le plaisir, et favorise ainsi le développement des passions, pour que l'homme puisse, à certains moments privilégiés, vaincre ces résistances.
Deuxièmement, l'obligation de faire preuve de considération et de gratitude de façon prolongée et durable nous force à régresser à la forme archaïque, infantile de l'amour tendre, voire nous empêche de jamais nous en éloigner. L'homme peut donc être considéré comme un animal qui, même à l'âge mûr, s'attarde à une forme d'amour infantile.

Il est intéressant de savoir que les anatomistes ont découvert bien avant nous des faits semblables. Ils ont découvert que, sur le plan anatomique, l'homme ressemble à l'embryon du singe plutôt qu'au singe adulte. Les anatomistes en ont conclu que l'homme présente un retard du développement biologique, que du point de vue de sa structure c'est un fœtus, ou plutôt qu'il est foetalisé,mais que, nonobstant, il a atteint un fonctionnement génital complet.

Il y a beaucoup d'autres exemples dans le règne animal où un embryon acquiert des fonctions génitales bisexuelles pleinement développées ; ce sont des embryons dits néoténiques. L'amour génital est le parallèle exact de ces formes. On trouve une fonction génitale pleinement développée, associée à un comportement infantile ; en d'autres termes, l'homme est un embryon néoténique non seulement sur le plan anatomique, mais aussi sur le plan psychique.
Ce raisonnement explique certaines particularités de la génitalité chez l'homme. On sait à quel point l'amour génital est instable, surtout si on le compare aux éternelles formes « pré-génitales ». Fonction phylogénétiquement nouvelle, il n'est pas encore solidement établi l'homme n'a pas encore eu assez de temps, pour ainsi dire, pour s'adapter à cette forme d'amour ; en fait il doit y être éduqué à chaque nouvelle génération. L'amour oral, par exemple, ne demande manifestement aucune éducation de cette sorte. Et réciproquement, l'amour oral ne risque pas la faillite, tandis que l'amour génital est beaucoup plus précaire.
Une autre particularité est l'attitude contradictoire de la société à l’égard de l'amour génital. D'une part, la société admire et révère le séducteur sans scrupule ou la femme fatale, même si c'est avec crainte et méfiance; d'autre part, elle rend hommage à l'amour génital durable, elle enregistre et célèbre les noces d'argent et les noces d'or, mais souvent aussi ridiculise ces relations de fidélité et les qualifie de prudentes, sentimentales et larmoyantes.

Web designer CJRoumain

Contacts: www.facebook.com/cjroumain
www.twitter.com/cjroumain
www.youtube.com/CJRoumain
cjroumain@facebook.com

Ecoutez

Speech by ReadSpeaker

Mes Articles

Widget par cjroumain.blogspot.com
Related Posts Plugin for WordPress, Blogger... www.cjroumain.blogspot.com

Translate

Followers