La tendresse est-elle une maladie ?

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La tendresse est-elle une maladie ?
(Michael Balint)
Nous espérions que ce type de relation génitale nous donnerait quelque idée de ce qu'est l'amour génital authentique, or le résultat est décevant. Apparemment la satisfaction génitale n'est qu'une condition nécessaire mais non suffisante de l’amour génital.
Nous avons appris que l'amour génital était bien plus que la gratitude ou la satisfaction suscitée par la disponibilité du partenaire à la satisfaction génitale. Nous avons également appris qu'il était absolument indifférent que cette gratitude ou que cette satisfaction soit unilatérale ou réciproque.
Qu'est-ce que ce « plus » ? Outre la satisfaction génitale, nous trouvons dans une véritable relation d'amour :
1) l'idéalisation,
2) la tendresse,
3) une forme particulière d'identification.
Puisque Freud a traité du problème de l'idéalisation, tant de l'objet que de la pulsion il me suffira de reprendre ses constatations. En premier lieu, il a démontré que l'idéalisation n'est pas absolument indispensable, qu'une bonne relation d'amour est possible sans aucune idéalisation; deuxièmement, que dans de nombreux cas l'idéalisation ne favorise pas, mais gêne le développement d'une forme satisfaisante d'amour.
Par conséquent nous pouvons écarter cette condition qui, elle non plus, n'est pas absolument indispensable.
Il en est autrement en ce qui concerne le second phénomène, la tendresse (Zärtlichkeit). Depuis que Freud l'a mentionné pour la première fois, toute la littérature analytique s'est servie de ce terme dans deux acceptions différentes.
Selon la première, la tendresse serait le résultat de l'inhibition quant au but. En fait, la tendresse est l'exemple le plus souvent cité de l'inhibition quant au but a l'origine, la pulsion était dirigée vers un certain but mais, pour une raison ou une autre, elle a dû se contenter d'une satisfaction partielle, c’est-à-dire de beaucoup moins que le but initial.

Selon cette théorie, la tendresse est un phénomène secondaire, elle n'est qu'un représentant atténué du but original; et en raison de ce caractère de « faute de mieux elle n'aboutit jamais à la satisfaction complète, autrement dit elle implique toujours une certaine frustration.
Selon la seconde théorie, la tendresse est un trait archaïque, qui apparaît conjointement à des pulsions archaïques d'auto-conservation, et qui n'a pas d'autre but que cette satisfaction paisible et sans passion. Par conséquent l'amour passionné doit être un phénomène secondaire, superposé à l'amour tendre archaïque.
On peut étayer cette seconde théorie par quelques faits démonstratifs fournis par l'anthropologie. En régie générale, les différentes formes de civilisation peuvent être classées selon deux types.
Le premier comprend l'amour passionné, l'idéalisation de l'objet ou de la pulsion, le renforcement social rigoureux de la période de latence, la galanterie, l'abondance des chansons et des poèmes d'amour, l'hypocrisie sexuelle, la valorisation de la tendresse et généralement une technique amoureuse compliquée et bien développée.

Dans le second type, la société ne semble pas trop se préoccuper de renforcer la période de latence, en fait il n'y a pratiquement aucune exigence sociale dans le sens de l'abstinence sexuelle à quelque âge que ce soit ; la galanterie et les chansons d'amour existent à peine, la poésie amoureuse est médiocre, l'idéalisation et la tendresse sont très réduites ; par contre, il y a une sexualité génitale simple, directe et sans complications.
Il se peut que la passion amoureuse comme la tendresse excessive ne soient que des produits « artificiels» de la civilisation, le résultat d'une éducation recourant systématiquement à la frustration. Ainsi la contradiction apparente entre les deux acceptions du terme de « tendresse » employées par Freud pourrait être levée : la tendresse n'est pas une inhibition secondaire quant au but, mais un développement inhibé.

L'étymologie semble également renforcer cette idée : l'allemand zart, racine de Zärtlichkeit, signifie : pas fort, délicat, jeune. Il en est de même en ce qui concerne le mot français : tendre. Alix Strachey traduit Zärtlichkeit par affection, fondness, tenderness. Parmi ces termes, affection a une double signification : outre la tendresse, il signifie maladie ou faiblesse, comme lorsque nous parlons d'une affection cardiaque ou rénale.
Assurément, il y a là une certaine confusion. Comment l'amour génital, la forme évoluée de l'amour, s'est-il retrouvé en cette compagnie douteuse où l'on rencontre la maladie, la faiblesse, l'immaturité, etc. ?
Fait plus surprenant encore : selon la littérature psychanalytique, les formes prégénitales de l'amour ne vont pas nécessairement de pair avec la tendresse, tandis que l'amour génital ne devient tout à fait lui-même qu’après avoir poussé très loin sa fusion avec la tendresse.

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