samedi 21 janvier 2012

L’amour a 3 visages



L’amour a 3 visages

Chaque amour a le sentiment de ne ressembler à aucun autre. Dans la lignée des philosophes grecs, les psys dégagent pourtant trois profils types de l’état amoureux, dans lesquels nous pouvons tous nous reconnaître.
Anne-Laure Gannac

Parler d’amour, c’est associer désir physique, échange et complicité. Pourtant l’amour se décline en une infinité de nuances : fusion, raison, dépendance, haine… Mais toujours le même mécanisme est à l’œuvre : « C’est dans la relation à la mère que l’on trouve la matrice de l’amour que l’on privilégiera ensuite », explique Didier Lauru, psychanalyste. Nos comportements d’adulte sont l’occasion de prolonger – ou de réparer – les expériences vécues dans les tout premiers moments de l’enfance. Le point commun entre les différentes façons d’aimer ?
L’idéalisation de l’autre et la dévalorisation de soi. Aveuglé par les émotions, on pare notre partenaire de toutes les qualités dont on se croit le plus souvent dépourvu. D’où l’expression « tomber amoureux » : on descend quelques marches et on installe l’autre sur un piédestal. « C’est l’estime de soi qui chute d’abord », explique Didier Lauru. Ensuite ? « Tout est une question de degrés » – d’idéalisation, de dénarcissisation, de dépendance vis-à-vis de l’autre – qui, selon les spécialistes, déterminent trois grands profils amoureux : Eros ; son opposé, Agapê ; et Philia.

Eros L’amour passion

A lire
Folie d’amour, de Didier Lauru (Calmann-Lévy)
Heureux en amour, de Claude-Marc Aubry (Flammarion)
Le cœur s’emballe, l’excitation alterne avec la peur, le désir physique est insatiable, le manque nous obsède dès les premières séparations. Nos repères sont bousculés, on se perd un peu. Cet état est propre à la rencontre amoureuse. « Ce qui nous guide vers une relation, c’est d’abord le désir d’exaltation et cette opportunité que nous offre le partenaire de vivre plus intensément, explique Claude-Marc Aubry, psychologue. Ce partenaire est alors moins vécu comme un sujet que comme un objet. » Objet support de nos manques et de nos fantasmes d’un amour idéal, objet chargé de combler nos manques affectifs… L’intensité et la durée de cet état passionnel varient en fonction de la force de ses projections sur l’autre. « Il dure entre six mois et deux ans », ajoute Claude-Marc Aubry.
Après ? « Il a changé », « Je ne la reconnais plus », se surprend-on à dire. « La réalité de l’autre finit toujours par s’imposer à nos yeux. » Soit on l’accepte et on entre dans un autre type de relation, soit on en est incapable et la déception, donc la souffrance, est irréversible. On peut alors basculer dans la haine : les émotions exacerbées demeurent, mais changent de pôle. Ou dans la dépendance : « Sans lui, je me sens vide », « Sans elle, je ne suis rien. » Resté à l’état d’objet, le partenaire devient indispensable pour vivre.
Aimer avec passion, c’est découvrir en soi une capacité à vivre des émotions dont on ignorait l’intensité, et rompre avec un quotidien parfois pauvre en émulation. La passion amoureuse a des vertus bénéfiques et instructives pour et sur soi, mais, parce qu’elle est fondée sur le narcissisme et l’égocentrisme, elle ne peut être le seul socle de construction d’une vraie relation à deux. Laquelle n’est possible qu’à condition de pouvoir regarder l’autre vraiment : c’est en décidant d’apprécier son partenaire avec ses défauts et ses qualités, mais aussi en reprenant conscience de ce que l’on est, soi, hors du couple, que l’on peut glisser d’une passion déraisonnée à un amour plus constructif et apaisé.

Agapê L’amour-amitié

Autant l’amour passion incite au repli sur soi et sur le couple, autant cet amour-amitié invite à s’ouvrir sur l’extérieur. On est complice, on se comprend, on s’écoute, on s’intéresse l’un à l’autre et au monde… Et, tout à coup, cette amitié a priori sans ambiguïté se transforme : les regards changent, le désir s’installe. Selon Didier Lauru, « cet instant correspond à un moment d’idéalisation de l’autre qui, bien souvent, coïncide avec celui où l’on se sent – ou se croit – aimé de lui. » Cette « intuition » donne envie de se laisser aller à des sentiments amoureux jusque-là inhibés par un manque de confiance en soi ou par la crainte de pervertir la relation amicale. La relation amoureuse se fonde alors sur des bases solides : celles qui avaient conduit à l’amitié, du partage d’une passion commune à une communication très forte.
Un virage sans dérapage ? Pas toujours. Selon Didier Lauru, « la relation qui prévalait jusqu’à présent est oubliée au bénéfice d’une nouvelle rencontre sur le mode amoureux. “On perd la mémoire”… Preuve que l’amour, même le plus “calme” et progressif, est toujours un peu pathologique ! »
Cet amour-Agapê, peut-on le retrouver dans toutes les relations ? « Oui, répond Claude-Marc Aubry, on peut tout à fait considérer que l’amitié sexuée est une définition du “bon amour”. » « Bon », car à la dépendance, cet amour oppose l’attachement nourri par une entente développée au fil du temps et des expériences partagées. Seule « dérive possible » : pris dans une connaissance mutuelle parfaite, les partenaires ne ressentent plus de curiosité ou de besoin de se séduire. La tiédeur émotionnelle s’installe, au risque de la lassitude et de l’envie de trouver ailleurs des « sensations » fortes…

Philia L’amour profond

C ’est l’amour alliant désir et raison : on sait vivre “libres ensemble”, on s’aime, mais on ne s’appartient pas. « L’amour profond commence avec la prise de conscience de ce qu’est l’autre réellement, loin des fantasmes », explique Claude-Marc Aubry. Amour dit « mature » ou « éclairé », « il suppose une bonne compréhension de soi-même et de l’autre, mais aussi de savoir déjouer les pièges et mécanismes qui nous lient au passé et qui entraînent la dépendance. » L’imaginaire suggéré par les sentiments amoureux n’empêche ni de voir la réalité de l’autre, ni celle du couple. Et l’idéalisation du partenaire nous narcissise plutôt que de nous faire perdre confiance en nous.
Sylvie Bellaud-Caro rappelle que cet amour réunit trois éléments : moi, l’autre et la relation. « Il peut y avoir harmonie, conflit, joie, tristesse… peu importe. Ce qui est fondamental, c’est que les deux partenaires restent indépendants et se rejoignent ensuite dans le couple pour le nourrir de projets, d’envies, d’expériences à partager. »
Mais comment faire la différence entre un « je t’aime profondément » et un « je t’aime passionnément » ? « En réfléchissant à l’intensité de son ressenti », répond la thérapeute : me manque-t-il au point que, sans lui, j’ai l’impression de ne plus exister ? Ou simplement parce que j’aimerais partager ce moment, cette conversation avec lui ? « L’attachement n’est pas la dépendance. » C’est le respect qui fait la différence : respect de soi – être à l’écoute de ses propres désirs, ne pas s’oublier pour l’autre – et respect de l’autre. Si le mot respect ne fait pas écho à nos idéaux romantiques, il s’imposera pourtant vite comme le meilleur garde-fou de l’amour.

L'amour est-il un don?



L'amour est-il un don?

Pour les premiers, l’amour s’offre, même sans retour. Pour les seconds, impossible d’aimer sans être aimé.
Anne-Laure Gannac

Paroles intimes des uns et des autres.

Elodie
25 ans, comédienne
« J’ai plus souvent été en position d’aimer des hommes qui ne savaient pas aimer. C’est plus difficile à vivre que l’inverse. C’est très bien d’être généreux en amour, mais ne rien recevoir en retour, c’est très douloureux. Se laisser aimer, c’est plus égoïste, mais plus facile à vivre. »
Magena
21 ans, étudiante
« Il m’est arrivé à deux reprises d’être plus aimée qu’amoureuse. C’était bien, sécurisant… Mais rien à voir avec ce que je ressens quand je suis celle qui aime ! Là, tout est facile, génial ! »
Geneviève
32 ans, assistante sociale
« Pendant longtemps, j’étais celle qui aimait. Depuis, j’ai rencontré un homme très amoureux. Moi, je ne ressentais pas cette exaltation magique de la passion et elle me manquait. Mais il m’a fait découvrir une autre forme d’amour : moins passionnelle, mais plus rassurante. Ce qui me rend sans doute beaucoup plus heureuse… donc amoureuse ! »
Christophe
31 ans, bibliothécaire
« J’ai besoin de me sentir en confiance, d’être aimé, pour pouvoir aimer. J’ai vécu cette situation plus souvent que l’inverse, car je ne me laisse pas facilement emporter par mes sentiments. »
Karim
33 ans, comédien
« Dans mes relations amoureuses, j’ai toujours l’impression que c’est moi qui aime plus que l’autre. C’est comme si, en aimant l’autre, je cherchais à m’en faire aimer, mais sans jamais avoir la certitude d’y parvenir. »
Linda
25 ans, étudiante
« Ces derniers temps, je me suis plus souvent retrouvée en position d’être aimée que d’aimer. Je trouve cela invivable. Quand quelqu’un est prêt à tout pour vous et que vous ne pouvez lui rendre de l’amour, c’est très culpabilisant. On s’accroche, en espérant que les sentiments viennent… et rien. Je préfère aimer… mais, si possible, de quelqu’un qui m’aime ! »
Laurent
36 ans, musicien
« Moi, je me sens prêt à aimer quelqu’un à partir du moment où cette personne me montre qu’elle aussi est prête à donner. Il m’est déjà arrivé de me croire amoureux de quelqu’un qui ne l’était pas. Je n’ai pas insisté : si une personne refuse de donner, c’est qu’elle est égoïste. Et ne mérite donc pas d’être aimée ! »
Vincente
53 ans, artiste
« Quand j’étais jeune, beau et riche…, il y avait bien plus de femmes se disant amoureuses de moi que je n’étais prêt à en aimer. Mais les relations qui ont vraiment compté ont été celles où j’ai tout donné à une femme même si elle ne m’aimait pas. Le reste, c’était de l’amour de pacotille ! »
Sylvie
28 ans, assistante de direction
« Ado, comme toutes les filles, j’ai rêvé du prince charmant… Je voulais aimer à la folie. Avec le temps, j’ai compris qu’une relation, c’est aimer autant qu’on se sent aimé. Pourtant, je continue à croire que l’amour, c’est donner sans rien attendre en retour. »
Michaël
30 ans, vidéaste
« A partir du moment où une femme est amoureuse de moi, je suis amoureux… et inversement. Je ne crois pas au romantisme. Courir après l’autre dans un élan désintéressé ne m’intéresse pas. »
Hélène
52 ans, secrétaire
« J’ai aimé, été aimée, malheureusement pas toujours en même temps… Mais le plus important, pour moi, c’est d’aimer. Tant pis si l’autre ne vous le rend pas : aimer, c’est si généreux, si épanouissant que l’on peut s’en satisfaire. Et quand on a aimé quelqu’un bien et fort, il en reste toujours quelque chose chez l’autre. »
Aude
23 ans, attachée de marketing
« Je viens de quitter mon ami parce qu’il m’aimait trop. Son amour va me manquer. Mais être trop aimée, c’est aussi très pesant : on a l’impression d’être responsable du bonheur de l’autre. Ça rend capricieux. L’autre nous donne tout et ne réussit jamais à nous combler. »

Comment sait-on qu’on aime ?



Comment sait-on qu’on aime ?

Quand il est là, nous ne pouvons douter de sa présence. Mais dès que nous cherchons à le définir, l’amour prend un malin plaisir à nous échapper. Enquête sur un sentiment qui résiste à toute logique.

Quels critères, quels signes nous assurent que nous aimons vraiment ? Si, comme Jean Cocteau, nous pensons qu’il n’y a pas d’amour, mais seulement des "preuves d’amour", qu’est-ce qui, dès lors, fait preuve ?
La fidélité ? Non. La fidélité est affaire de tempérament, d’éthique personnelle, de rapport au corps, mais ne prouve rien quant à l’amour que l’on ressent ou non pour son conjoint. Nous savons bien que le désir sexuel pour une personne peut tomber et l’amour, rester. La mémoire des dates anniversaires ? L’offrande de cadeaux ? Le désir de passer le plus de temps possible avec l’autre ? Non plus, car, là aussi, il est plus question de caractère, de goût, d’éducation.

Le bouleversement

Alors, comment savons-nous que nous aimons ? « Tout d’abord, il ne faut pas confondre l’état amoureux et l’amour, explique l’écrivain Michel Cazenave (auteur d’ Histoire de la passion amoureuse, Lebaud, 2001). Au début, ils se présentent de la même façon, une sorte de bouleversement de l’être tout entier dont la Phèdre de Racine rend compte par ces quelques mots : “Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue.” » Cet état paroxystique et un peu théâtral, les neurologues et les psychiatres l’assimilent aux névroses obsessionnelles. Il dure six mois, un an maximum.
« C’est ensuite qu’apparaît la vérité du sentiment, poursuit Michel Cazenave. Quand cet emballement se métamorphose, on se rend compte alors que ce qui est important pour nous n’est plus notre petite personne et le plaisir que nous tirons de notre partenaire, mais l’autre, devenu indispensable comme s’il détenait notre principe vital. »
Le temps nous révélerait donc s’il s’agit ou non d’amour. Mais quelles autres preuves encore ?

La demande

« Avec Irène, j’étais attentif à ce que je disais quand, d’ordinaire, avec les femmes, je suis plutôt du genre insouciant et joueur, explique Georges. Je n’avais pas envie d’étaler ma vie mais, au contraire, de maintenir un jardin secret afin de de la protéger de ce qui aurait pu la blesser. J’éprouve du respect pour elle, et je sais que je l’aime parce que je fais des efforts pour la garder. » Laurence, quant à elle, raconte que « certains jours, je ne sais plus si j’aime Hervé ; je me sens indifférente. Puis, grâce à un geste qu’il fait, aussi banal que de se passer la main dans les cheveux, ou à une réflexion qu’il lance, dans ce langage que moi seule peux comprendre, je suis troublée, émue. Je sais alors que l’amour est là, même s’il devient parfois imperceptible. »
Temps, respect, trouble, les preu-ves varient au gré des individus. « Mais surtout, elles ne prouvent rien, affirme Alain Guy, psychanalyste et professeur à Paris-VIII. Elles sont une tentative pour savoir quelque chose de l’amour, alors que l’amour et le savoir sont deux notions qui s’opposent. L’amour est une magie, quelque chose d’incongru qui surgit dans l’existence et qui est de l’ordre de l’insu, de l’inconscient. Il n’a donc rien à voir avec la raison. Mais cette irruption bouleverse tellement le sujet que celui-ci essaye de rétablir de la logique, du sens, afin d’être sûr qu’il n’est pas fou. Quand on aime, on passe son temps à interroger l’autre pour déchiffrer la place que l’on occupe en lui. Et cette façon que l’on a de réclamer à l’autre des signes de son amour prouve que l’on aime. » La formule de Cocteau devrait donc être complétée : il n’y a, en réalité, ni amour ni preuves d’amour ; il n’y a que des demandes de preuves d’amour. C’est lorsque nous ne pouvons plus vivre sans réclamer à l’autre des signes de son amour que nous savons, à coup sûr, que nous aimons.

Le trouble du corps

Et puis il y a le corps. Un corps impatient, un corps qui attend l’aimé, qui réclame sa voix, son regard, sa présence. Pour Catherine, elle est là, la preuve : « Quand j’aime, l’autre me manque. Que je sois au travail, au cinéma ou en train de discuter avec une amie, l’aimé me revient par bouffées dans la tête, et je ressens son absence. C’est une tension qui ne se relâche que lorsqu’il apparaît. »
Chantal Thomas (auteur de Comment supporter sa liberté, Rivages, 2000), philosophe et écrivain, renchérit : « Je sais que j’aime quand le monde acquiert une sorte d’éclat, de relief suraigu beaucoup plus captivant que dans les autres moments de la vie. Par exemple, pour moi qui aime me promener, il y a dans ces moments-là une sorte de rehaussement de tout ce que je vois, non pas parce que j’irais ensuite raconter à la personne aimée ma promenade, mais par le simple fait que cette personne existe. Cela me met sexuellement, intellectuellement, émotionnellement dans un état où tout est plus intense. » Plus que la raison, ce serait donc notre corps qui nous renseignerait sur le sentiment d’amour, par la façon dont l’aimé l’habite même lorsqu’il est absent, et par la manière particulière que nous avons, en sa présence, d’être réceptifs à ses gestes, ses attitudes, ses expressions, son odeur, son grain de peau.

Le manque

Ce sont d’ailleurs ces mêmes détails qui, un jour, nous révèlent notre désamour. Inès se souvient de ce matin où elle est entrée dans la cuisine alors que son mari prenait son petit déjeuner. « Sa façon de tenir sa tartine, les mots qu’il disait, l’odeur qu’il dégageait m’indisposaient. Exaspérée, j’ai levé les yeux au ciel, mais quand j’ai surpris le regard de ma fille sur moi, j’ai eu honte. J’ai su qu’elle venait de comprendre, au même instant que je le comprenais moi-même et sans que j’aie besoin de prononcer le moindre mot, que je n’aimais plus mon mari. »
Pour Inès, le corps de son mari était devenu « de trop ». Or, aimer, c’est rechercher l’autre, puisque lui seul nous permet de nous sentir complet. « Ce que l’on recherche dans l’amour, c’est quelque chose qui nous manque sans que l’on sache ce qui nous manque, explique Alain Guy. Mais l’autre, par sa seule présence, a ce don de nous apporter une plénitude qui nous rend léger, transporté, aérien. Le destin de l’être humain est de vivre dans un manque existentiel impossible à combler, et pourtant, aimer, c’est, malgré tout, demander à l’autre quelque chose qu’il n’a pas, mais que sa présence vient combler quand même. Raison pour laquelle Lacan disait : “Aimer, c’est donner ce que l’on n’a pas.” »

Le mystère

A quoi sait-on que l’on aime ? Peut-être vaut-il mieux, justement, ne pas le savoir, comme nous l’enseigne le mythe de Psyché. Cette héroïne de la mythologie grecque partage avec le dieu Eros des nuits enflammées. La seule condition que pose celui-ci à leur amour est que la jeune femme ne cherchera jamais à le voir. « S’il ne veut pas se montrer c’est probablement parce que c’est un monstre », soufflent à son oreille les sœurs de Psyché. Aussi, une nuit où il s’est endormi, Psyché se lève, va quérir une lampe et éclaire Eros. Le dieu de l’amour se révèle alors si beau que la jeune femme en tremble et qu’une goutte d’huile brûlante tombe sur le corps de son amant, qui se réveille et s’enfuit. Psyché paye donc la connaissance acquise par la disparition de l’amour, ce leurre délicieux qu’il faut se garder de trop interroger car, à vouloir le maîtriser par la pensée, on risque de le voir s’envoler.
Qu’est-ce que l’amour ? C’est cette chose surgie d’on ne sait où, qui vient représenter on ne sait quoi, un presque rien qui peut, pourtant, faire basculer notre vie. « Certaines personnes perdent régulièrement leurs clefs, d’autres se foulent la cheville ou le poignet, d’autres encore ont des accidents de voiture à répétition sans pour autant interroger la nature de ces actes, reprend Alain Guy. Eh bien, l’amour est un peu l’équivalent d’un acte manqué, au sens où on peut le vivre cinq ans, dix ans ou toute une vie sans jamais l’interroger. » Françoise Dolto, à qui Willy Barral (In Françoise Dolto : c’est la parole qui fait vivre de Willy Barral, Gallimard, 1999) demandait pourquoi les époux – même passionnément amoureux – voyaient souvent leur désir sexuel s’amenuiser au fil des années, donnait cette superbe réponse : « C’est tout simplement qu’ils font trop souvent l’amour, mais sans s’en rendre compte, la nuit, quand ils dorment ensemble. […] On ne communique jamais autant que la nuit à travers nos inconscients qui se libèrent. » Milan Kundera ne dit pas autre chose lorsqu’il parle, dans L’Insoutenable Légèreté de l’être(Gallimard, 1989), du bonheur que représente le sommeil à deux : « L’amour ne se manifeste pas par le désir de faire l’amour (ce désir s’applique à une multitude de femmes), mais par le désir du sommeil partagé (ce désir-là ne concerne qu’une seule femme). »


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