En Haïti, le
problème de la délinquance juvénile est majeur. Il se manifeste avec une
préférence marquée dans la population adolescente et avec chronicité chez les jeunes
délinquants. Le terme d’adolescent se réfère à la période entre douze et
dix-huit ans. Focaliser l’entier du sujet à l’adolescence est justifiable par
le simple fait que la participation et la fréquence de la quasi-totalité des
crimes atteignent leurs sommets au cours de cette période (les exceptions étant
le meurtre, le viol et la fraude). Il s’agit d’un phénomène à traiter dans
l’urgence car les adolescents délinquants infligent actuellement un tort
irréversible à leurs victimes. De plus, ils seront les adultes criminels de
demain et les futurs parents.
Quels sont les
multiples facteurs sociaux et personnels qui se combinent pour l’affirmer?
Assistons-nous à
davantage de délinquants aujourd’hui?
Sous quelles formes
les délits ont-ils lieux?
Il faut tout
d’abord définir certains termes avant de décrire le phénomène de la
délinquance, son évolution dans le temps et la nature de la conduite
délinquante au cours de l’adolescence. Cette petite étude sert d’outil de
travail essentiel à la conception d’un centre de détention et de réintégration
pour mineurs, en Haïti.
Adolescence
Etymologiquement,
le terme adolescent provient du verbe Adolscere, grandir. «Épiphénomène de
l’adolescence fréquente mais le plus souvent transitoire» pour reprendre
l’expression de Leblanc. L’adolescence est une période propice à la
délinquance. Depuis toujours, les groupes sociaux marquent l’arrivée de la puberté
par des rites et des symboles. Dans certains clans, ces usages ont trois buts:
Ø
aguerrir
le nouveau pubère contre la douleur;
Ø
exalter
en lui le courage sous diverses formes;
Ø
l’initier
aux traditions, croyances et au bonheur social.
Dans nos sociétés,
ces rituels n’existent plus, mais un autre type de violence s’exerce sur
l’enfant à travers la pression sociale et la vie familiale. La relation entre
l’adolescence et la violence peut se justifier par les caractéristiques
biologiques et psychologiques de cet âge. L’homme passe par des moments critiques
en se développant suivant une évolution singulière. Son équilibre interne est
souvent troublé dans son fonctionnement et dans son apparence. Il est contraint
aux changements pubères par des transformations biologiques, hormonales et
psychologiques. La tâche n’est pas si facile à vivre sur le plan relationnel.
Il crée souvent un climat de conflits qui se manifeste tout d’abord par un
détachement progressif vis-à-vis de ses parents. L’opposition s’achève soit par
une rupture totale, soit par un rétablissement de l’équilibre affectif, issue
dépendante de l’attitude familiale présente.
Colin
dans les adolescents devant les déviances. Il peut également souffrir de
difficultés d’adaptation qui s’accentuent par le manque de tolérance à son
environnement. L’adolescent devient moralement une personne fragile qui peut
tomber facilement dans la débauche et la perversion. «L’adolescence serait une
période toujours maintenue dans la suspicion»
En réalité l’adolescence ne se limite pas
uniquement à l’aspect individuel de la personne. Certains auteurs la conçoivent
également comme un fait sociétal. Le mineur est en proie à son environnement, à
ses carences familiales et à son milieu. Ses désirs ne sont pas toujours
conformes à la logique sociale, le processus d’intégration est alors difficile
d’accès. Il est donc nécessaire de connaître les exigences du processus
d’intégration sociale et de mesurer son importance durant la période
d’adolescence.
Délinquance
Le terme délinquant
est issu du latin linquere ou relinquere signifiant laisser, abandonner,
lâcher, rompre, se séparer. Dans son sens premier, delinquere signifie faire
défaut, manquer, faire faute. «La délinquance est toujours juvénile..» Cavanna
Les dictionnaires de criminologie définissent aujourd’hui
La délinquance comme «l’ensemble des crimes et des délits considérés sur le
plan social». Elle est issue de phénomènes
Ø
sociologiques,
dans le sens où elle est influencée par la société environnante;
Ø
juridiques,
car la justice vérifie si l’acte incriminé est contraire aux textes de loi;
Ø
psychologiques
car la délinquance est généralement liée
Ø
à
un parcours personnel.
Ballout_ 200 La
définition de la délinquance renvoie au rapport entre crime et loi, acte et
auteur, crime et société. Il existe sans doute multiples formes de délinquances
tout autant variables que les institutions, les cultures et les régimes. Elle
épouse les mutations des systèmes de pensées des pouvoirs politiques, publiques
et moraux d’une société donnée. Il est important de pouvoir identifier les
caractéristiques d’un réel délinquant des autres formes de déviances qui
existent. Le délinquant est un sociopathe par essence, c’est-à-dire qu’il n’est
pas atteint par une maladie mentale. C’est un sujet justement adapté à la
réalité, mais pas à la société qu’il côtoie. La notion de sociopathe s’est différenciée
progressivement de celle de psychopathe qui l’engendrait dans ses débuts. En
effet, la fin du XIXème siècle marque un tournant décisif dans le statut social
du délinquant criminel. Parallèlement la maladie devient isolable de la
personne conceptuellement (Foucault_963), et le criminel commence à exister de
manière indépendante. Il devint un objet d’étude au niveau des Sciences Humaines.
La sociologie, la psychologie et la psychanalyse se sont intéressées au champ
criminologique en vue d’une réhabilitation sociale et psychologique du délinquant.
Causes de la délinquance
On peut distinguer
toutes sortes de causes comme :
v -Sociales
1.
Les
guerres donc la violence
2.
Le
logement qui induit le surpeuplement dans les villes :Bidonvilles,
Quartiers pauvres
3.
Le
matérialisme de l’époque actuelle :Le besoin et le désir croissant d’avoir
de l’argent ,de posséder.
4.
Les
loisirs :beaucoup plus nombreux qu’autrefois, qu’on ne sait pas occuper,
on se livre au <au farniente > a l’imitation des vedettes des faits
divers au lieu de se cultiver et de pratiquer le sport
v
-Familiales
1.
Carence
intellectuelle et souvent morale des familles, d’où faiblesse ou libéralisme
excessif.
2.
Désunion,
mésentente ou remariage, d’ou parfois mauvais traitements ou simplement indifférence.
3.
Libéraliser
ou avarice des parents pour l’argent de poche.
4.
Alcoolisme,
drogue
v -Psychologiques
1.
Solitude
qui entraine vide social dans les grands ensembles
2.
Désœuvrement
chômage .
3.
Cinéma,
presse télévision, mille exemples de <durs. de <truands> qui passent
pour des héros.
Conséquence de la délinquance
La multiplication
du nombre des délinquants crée un climat d’insécurité dans le pays. Ils
deviennent des <Voyou> fiches par la police pour toute la vie. Ils font
de la prison ou sont enfermes dans des maisons de redressement ou de rééducation
.Plus encore, ces délinquants contribuent a la propagation de nombreux fléaux
sociaux comme le trafic de stupéfiant ,la prostitution, le commerce des
boissons alcooliques.
Crimes et société
Selon la définition
de Maurice Cusson, «la criminologie est une science qui étudie les
caractéristiques et les causes du phénomène criminel.» Elle s’est particulièrement développée durant
ces dernières années grâce aux progrès accomplis dans les Sciences Humaines.
Cette rapide évolution a aussitôt entraîné des changements sur le plan
juridique et particulièrement sur la législation vis-à-vis de «l’adolescent
meurtrier».
Les origines de la
répression du crime remontent à la fondation des Empires; elles se sont d’abord
manifestées à travers des vengeances privées. Au sein des sociétés antiques,
l’Etat n’était pas encore constitué et son autorité n’était pas établie, le pouvoir
de punir était ainsi d’ordre interne, aux mains d’un individu, d’une famille ou
d’un clan. Cette vengeance n’était soumise à aucune loi, son exercice était
donc sans limites et s’appliquait sans objectivité. Avec le temps, la puissance
publique se développa et acquis le pouvoir d’intervenir et de discipliner sous
forme de lois et de règles. Toutes les sociétés ont vu le nombre de jeunes
délinquants tripler durant la deuxième guerre mondiale: la peur des bombardements,
de la guerre, les arrestations et les déportations ont disloqué les familles.
La sous-alimentation et la pauvreté ont non
seulement accru le nombre de délits économiques (vols, trafics, agressions…),
mais ont également porté atteinte au développement psychologique des individus.
Le spectacle de la mort, de la haine, de la violence et de la misère a provoqué
des graves traumatismes d’ordre affectifs et a conduit à la déchéance des
valeurs humaines essentielles.
La tendance au crime
est généralement prononcée entre 4 et 25 ans chez tout être humain, et les pays
d’occident se retrouvent avec un nombre élevé d’individus qui se laissent
volontiers tenter par les occasions de vol. Un accroissement remarquable du
taux d’adolescents va donc avoir des répercussions directes sur la proportion
de criminalité. Les taux d’arrestations ont augmenté au sein même des jeunes
adultes et des groupes d’adolescents.
La criminalité
globale ne peut uniquement s’expliquer par l’accroissance démographique du
nombre de jeunes. Leur adaptation à la société devient aussi de plus en plus
difficile à mesure que leur nombre augmente.
M. Cusson dans
Croissance et décroissance du crime.
Parallèlement, le nombre
de garçons n’ayant pas le bagage suffisant pour affronter les difficultés de la
vie sociétale augmente. Ils se retrouvent alors dans des positions marginales,
disponibles à tout vent pour transgresser les normes sociales et les lois. De
plus, l’évolution de la famille occidentale est directement liée à cette marginalisation.
Les foyers à composition monoparentale ont connu un accroissement foudroyant
durant les trente dernières années. Parmi ces derniers, plusieurs sont conduits
par une femme vivant seule dans des conditions fragiles. Ces situations sont inappropriées
à l’éducation des jeunes à évolution difficile. Ces mutations sociales qui ont
déstabilisé le groupe familial, les valeurs éducatives, influent ainsi sur le
développement des adolescents. On est passé en moins d’un demi-siècle d’une
éducation rigide basée sur la parole sacrée du père, à une attitude de compréhension
et de «copinage» qui a escamoté l’idée de l’obligation pour laisser place à
celle du plaisir. Ce rôle social dont les parents se déresponsabilisent peu à
peu, les enseignants scolaires sont souvent incapables de le rattraper. Tous
ces facteurs sont déterminants quant à l’intégration des jeunes au sein de la
société.
Durkheim constate
qu’avec le temps, le phénomène délictuel s’est banalisé et est devenu «une conséquence
du fonctionnement régulier des sociétés de cette nature». Toutefois «l’état
dangereux» qu’il présente rendra son étude indispensable.
Durkheim dans Les règles de la méthode
sociologique : Le développement de nos sociétés a entraîné de profondes mutations
des ensembles urbains, des systèmes de communication, des conditions de
travail, et ont ainsi transformé les hygiènes de vie. On assiste à une rapide
expansion du phénomène d’urbanisation qui crée des problèmes d’agglutination et
de chômage. On constate d’étroites relations entre la criminalité et
l’urbanisation: les taux de criminalité, comme les taux de victimisation,
augmentent avec la taille des villes et les taux sont particulièrement élevés
dans le centre des grandes métropoles. Les milieux en périphérie des villes
sont également en effet en proie à un taux de criminalité plus élevé. De
nombreux exemples peuvent être cités ici.
Des conflits
générationnels et culturels vont peu à peu apparaître: le comportement des
individus sera conditionné par son environnement. Un «esprit matérialiste»
occupera progressivement la première place dans l’échelle des rapports humains,
les répartitions inégales des biens et pouvoirs entre les différentes couches
sociales seront de plus en plus marqués.
Mucchielli définit «la
société comme un milieu d’existence qui implique une confiance fantastique dans
son être propre bien qu’une lutte pour la vie se joue au niveau des relations entre
individus pour assurer leurs positions sociales
La société nous
environne comme un système d’obligations collectives dont nous pouvons profiter
mais que nous devons assumer aussi».
Autrement dit,
exister socialement conduit d’une part à avoir des repères sociaux et se situer
dans une certaine classe par rapport aux autres, et d’autre part avoir une
implication au sein même de la société. L’adolescent n’existe donc pas toujours
en tant qu’individu autonome. Il se valorise à travers son groupe dans lequel
il prend son identité. Vouloir appartenir à la société requiert que l’acteur
soit armé par la vie, d’un point de vue sociale, psychologique, familiale et
biologique.
.
La justice pour
mineurs a elle aussi évoluée. Les mineurs sont punis par la loi et se
retrouvent dorénavant privés de liberté. Il existe des systèmes spécifiques à
l’incarcération des mineurs (maison de correction, maison de rééducation...)
mais nombre d’entre eux restent incarcérés avec des adultes dans des prisons. «Où
sont les dangers ? Les dangers sont dans la délinquance. Les dangers sont dans
les abus de pouvoir. Et ils sont dans la spirale qui les lie entre eux. Il faut
s’en prendre à tout ce qui peut renforcer la délinquance. S’en prendre aussi à
tout ce qui, dans la manière de la punir, risque de la renforcer»
Nous voudrions
terminer en soulignant qu’il est a la fois un devoir moral et une exigence sécuritaire
fondamentale pour la communauté nationale d’aider les pouvoirs publics dans la sous-région
a assurer l’immense tache de la prise en charge de la question du respect des
droits enfants. Il faudrait que la communauté national s’emploie aujourd’hui a désamorcer
cette bombe a retardement constituée par la présence dans les rues de ces enfants
qui, en grandissant ne connaissent que le vol, la drogue, la prostitution et la
violence .Pour éviter qu’elle ne se retrouve plus tard face a la nécessité de
mobiliser dix ou cent fois plus d’énergie ,de ressources humaines et
matérielles pour mettre fin aux violences, aux crimes ethniques et guerres
civiles dont ces derniers seront ces principaux acteurs.
L’homme est ne bon la société le déprave, le
corrompte *( Rousseau), la délinquance est toujours juvenile.comme l’acne. Les
jeunes grattent leurs acnes a tout va. Il est légitime de se demander si la
prison est réellement la solution pour traiter la délinquance. Ces jeunes
désintégrés socialement ne vont-ils pas plonger toujours plus bas?