Même un cerveau mort peut avoir de la mémoire. Des scientifiques ont recréé des souvenirs artificiels dans du tissu cérébral de rat, retenus pendant une dizaine de secondes. De belles perspectives en vue ?
La mémoire est un processus très complexe qui se décline en de nombreuses facettes. Qu’elle soit à court ou à long terme, consciente ou inconsciente, elle n’implique pas les mêmes processus. Ainsi, il ne se passe pas la même chose dans le cerveau quand on le sollicite pour pédaler sur un vélo une fois qu’on maîtrise la technique ou bien lorsqu’on veut simplement retenir un numéro de téléphone le temps de le composer.
Dans une étude parue dans les colonnes de la revue Nature Neuroscience, des chercheurs de la Case Western Reserve University School of Medicineracontent comment ils sont parvenus à observer et créer cette mémoire à court terme dans des cerveaux de rats morts. Incroyable mais vrai !
La mémoire à court terme in vitro
Évidemment, réaliser cette expérience implique un protocole complexe. Comme il est difficile de se focaliser sur les souvenirs au niveau d’un seulneurone, les auteurs se sont penchés sur des réseaux de cellules nerveuses, situés dans l’hippocampe, une région du cerveau connue pour être l’un des principaux sièges de la mémoire.
Les rats nous aideront-ils à retrouver la mémoire ? © Janet Stephens, Wikipédia, DP
Les auteurs ont prélevé des morceaux d'hippocampes de rongeurs et y ont placé des électrodes stimulatrices dans certains neurones très particuliers. L'excitation entraînait l'activation de tout un réseau de cellules nerveusesdurant 10 à 15 secondes, caractéristique de la mémoire à court terme.
De précédents travaux, d'abord menés chez les primates puis plus récemment sur des rats, ont montré que la réussite à des tests demémorisation dépendait de l'activation de ce réseau. Physiologiquement, les scientifiques ont donc créé un souvenir transitoire à travers des connexions déjà établies.
Redonner la mémoire aux patients atteints d'Alzheimer ?
Ils sont même parvenus à caractériser les voies d'entrée de la stimulation. Elles sont au nombre de quatre, et ils ont réussi, au cas par cas, à voir par quelle porte l'information était passée.
Dans une seconde partie de l'expérience, le tissu cérébral a été de nouveau stimulé en plusieurs endroits selon un ordre bien précis. C'est alors que les scientifiques ont vérifié que la mémoire à court terme encodait l'information en se fiant à cet ordre de stimulation plutôt qu'au délai entre chacune d'elles.
L’objectif des chercheurs, à terme, est de mieux comprendre tous les processus impliqués dans la rétention de l’information et le fonctionnement de la mémoire. Ils espèrent que cela débouchera sur des applications concrètes sur des maladies neurodégénératives comme la maladie d’Alzheimer, durant laquelle les souvenirs sont mis à mal.