Le lait maternel, dont dépend la composition de l’indispensable flore intestinale du bébé, contiendrait plus de 700 espèces de bactéries. Une diversité synonyme de bonne santé. Cependant, le surpoids de la mère ou un accouchement par césarienne semblent diminuer la qualité du lait…
L’Homme est un être symbiotique. En son sein, ou plutôt dans ses intestins, il dispose d'une armada de bonnes bactéries facilitant sa digestion. Ensemble, elles forment la flore intestinale, sorte d’organe impliqué dans de nombreuses fonctions tout au long de la vie.
Elle commence à coloniser les bébés dès les premiers temps de leur vie extra-utérine, mais dépend aussi de leur alimentation. En effet, les bactéries sont apportées par le lait, mais celui d’origine maternelle semble plus approprié que le lait en poudre pour le bon développement de la flore intestinale.
Pourquoi ? Parce que la mère semble fournir à son nouveau-né une partie des bactéries indispensables à sa bonne santé, qui peuvent par exemple prévenir l’obésité et favoriser l’immunité. Combien sont-elles exactement ? Et comment leur composition varie-t-elle ? Ces questions restaient en suspens, mais des scientifiques espagnols de l’université de Valence apportent des éléments de réponse.
Les bactéries du lait maternel séquencées
Dix-huit nouvelles mamans ont accepté de participer à cette étude et de donner des échantillons de leur lait à la naissance, un mois après et enfin six mois après l’accouchement. Grâce à une technique d’amplification d’ADN et de séquençage, les chercheurs ont pu déterminer la composition dumicrobiote dans le lait maternel en fonction du temps. Les résultats sont publiés dans l'American Journal of Clinical Nutrition.
Dans les extraits les plus riches, ils ont comptabilisé plus de 700 espèces, un nombre supérieur aux estimations avancées jusque-là. Les bactéries les plus communes appartenaient aux genres Weissella, Leuconostoc,Staphylococcus, Streptococcus et Lactococcus.
Même si l’on ne le retrouve pas chez tout le monde et surtout en petite quantité, le redoutable staphylocoque doré (ici vu au microscope électronique à balayage en fausses couleurs) compose parfois la flore intestinale de certains patients en bonne santé. © M. Arduino, CDC, DP
En revanche, après 1 et 6 mois apparaissent d’autres microbes des genresVeillonella, Leptotrichia et Prevotella. Ces microorganismes s’épanouissent typiquement dans nos cavités buccales. Les scientifiques sont pour l’heure dans une impasse : ces bactéries viennent-elles du lait pour coloniser la bouche des bébés, ou au contraire passent-elles du nourrisson à la mère pendant la tétée ?
Surpoids et césarienne abaissent la qualité du lait
Ce ne sont pas les seuls résultats marquants. L’expérience de la mère peut altérer la composition microbienne. Les femmes en surpoids ou ayant pris trop de kilos durant leur grossesse disposent d’un lait moins riche en espèces bactériennes. Cette perte de diversité s’avèrerait plutôt préjudiciable pour la santé de l’enfant.
L’accouchement revêt lui aussi son importance. Les mères qui prévoient de donner la vie sous césarienne ont elles aussi un lait plus pauvre en microbes par rapport à celles qui accouchent naturellement. En revanche, lorsque la césarienne est décidée à la dernière minute, la qualité du lait n’est pas dégradée.
Les scientifiques supposent que l’état hormonal a sa part de responsabilités. Dans ces deux derniers cas, la mère effectue le travail d’accouchement de la même façon et seule l’issue diffère. La physiologie reste semblable. En revanche, lorsque l’opération est programmée à l’avance, certains paramètres de stress, comme des hormones, peuvent manquer, se répercutant in fine sur la composition bactérienne du lait.
Donner une flore intestinale adaptée aux bébés
L’utilité précise de la flore intestinale reste cependant mal définie. Aide-t-elle le bébé à mieux digérer ? Contribue-t-elle à stimuler le système immunitairedu nourrisson ? Et si elle participe à tout cela, comment le fait-elle ?
Les réponses à ces questions ne sont pas sans importance, car elles permettraient de mieux définir l’intérêt d’une telle diversité microbienne. Ainsi, on pourrait enrichir le lait artificiel en bactéries indispensables afin de fournir aux enfants qui ne sont pas nourris au sein les mêmes avantages nutritionnels que leurs homologues alimentés directement depuis les tétons de leur mère. Cela pourrait les prémunir par exemple de certaines allergies, contre lesquelles ces microorganismes pourraient nous préserver.
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