La libido est commandée par le cerveau primaire. Et les élans romantiques ? Aussi ! La neurobiologie démontre que sexe et amour occupent des zones voisines dans notre matière grise. Parfois, elles fusionnent…
Comment avez-vous pu vivre une nuit aussi torride avec une rencontre d’un soir ? Pourquoi la simple évocation d’un être cher vous fait-elle tant vibrer ? Les neurobiologistes, en plongeant dans le cerveau grâce au scanner et aux nouvelles techniques d’imagerie, décryptent nos passions de façon inédite. Il y a quelques années, ils ont découvert le "cerveau du plaisir". Une terra incognita appelée "système limbique", ou cerveau primaire, en charge de nos émotions. Celles-ci permettent aux animaux, y compris nous, les Homo sapiens sapiens, d’exprimer la peur pour éviter un danger, ou la joie pour garder une relation sociale ou sexuelle. Ainsi se perpétue la survie de l’espèce.
Il y a mieux : les scientifiques viennent de mettre à jour le "cerveau amoureux". Deux chercheurs de l’University College de Londres, Andreas Bartels et Semir Zeki, ont réussi à identifier, à l’intérieur du cerveau du plaisir, quelques zones qui jouent un rôle essentiel dans les love story durables (In NeuroReport, vol. 11, n° 17 (novembre 2000)). « Nous avons accompli ce qui peut être considéré comme les premiers pas dans la conquête neurologique des sentiments positifs, affirment-ils avec enthousiasme. Nous avons étudié l’amour romantique. » Faisant fi de toute littérature, ces deux chercheurs le définissent ainsi : « Un amour où se loge une part importante de sentiment et qui doit donc se distinguer d’un simple désir sexuel. » La pulsion d’un côté, le sentiment de l’autre… D’aucuns se sentiront immédiatement déculpabilisés, d’autres frémiront à l’idée que sexe et amour sont bien distincts.
Pour mener à bien l’expérience, dix-sept cobayes "follement, profondément amoureux" se sont couchés dans un scanner pour y regarder… des photos de vieux camarades. Rien de très excitant. Sauf qu’à la vue du visage de l’être aimé glissé parmi ces clichés, quatre zones appartenant au cerveau du plaisir se sont "allumées", signe d’une activité neurologique soutenue. Ces zones s’intègrent dans les "aires de l’euphorie", qui réagiraient sous l’effet de la cocaïne ou des amphétamines, entre autres. L’amour, aussi fort qu’une drogue ? Sans aller aussi loin, Andreas Bartels et Semir Zeki ont observé que le "cerveau romantique" est propre au désir amoureux. Et à lui seul. Lors d’études menées sur d’autres sources de plaisir, manger par exemple, il restait "éteint".
Les deux scientifiques identifient même les différentes composantes de l’amour romantique. L’une d’elles correspond à la scène connue du : « Je sais que je l’aime, et lui ? Je pense qu’il m’aime… Non, non, je suis sûre qu’il m’aime ! » Ce que les scientifiques appellent la reconnaissance de ses sentiments propres et de ceux d’autrui. Elle est « une faculté indispensable à l’amour », soulignent Bartels et Zeki. Plus étonnant encore, notre libido nous aveuglerait, à en croire les travaux de Serge Stoléru et de son équipe à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), qui travaillent depuis 1999 sur « le désir proprement sexuel (In Archives of Sexual Behavior, vol. 28, n° 1 (février 1999)) ». Ici, les candidats cobayes regardent du cru, de l’explicite : des photos érotiques. Résultat : certaines zones du cerveau "s’allument", d’autres "s’éteignent", « libérant ainsi certains de nos désirs », explique Serge Stoléru. Sexuels notamment. Plus rien alors ne nous paraît impossible. C’est le côté "aveuglant" de notre libido.
Et Serge Stoléru d’ajouter : « La désactivation n’intervient pas chez des hommes souffrant d’un “désir sexuel hypoactif” », autrement dit, ceux dont la libido est en berne ! Chez eux, la "tête" prend le dessus, le désir est refréné. Il en va de même pour notre vie affective. Andreas Bartels et Semir Zeki usent de cette raison neurologique pour expliquer que nous manquions parfois de discernement vis-à-vis de notre partenaire. Reste que, dans le comportement amoureux, l’activité psychique particulière à chacun semble toujours prendre le pas sur les diktats de la biologie. Notre chimie hormonale ne suffit pas à expliquer la réussite ou l’échec d’une histoire d’amour. Les scanners ne peuvent dire ce qui fait de chacun un individu unique. Nul chercheur ne peut donc se targuer d’avoir percé le mystère du désir, amoureux ou sexuel. « Chacun de nous est un mélange de rapports sociaux, d’hormones et d’acides nucléiques, disait le biologiste François Jacob (Prix Nobel de médecine et de physiologie en 1965, avec André Lwoff et Jacques Monod). Je ne dis pas qu’il y a une relation directe, par exemple, entre un acide et un désir. Ni le désir ni l’inconscient ne sont de la simple chimie, mais il y a certainement une chimie du désir qui gagnerait à être connue. Il reste beaucoup à creuser pour comprendre comment tout cela fonctionne dans un être humain (Entretien avec Lucien Degoy, L’Humanité, 28 avril 1997). » Huit ans plus tard, la réflexion reste "sexuellement correcte"…
Regardez, c'est une expérience scientifique
- Vous êtes face à des images érotiques.
Des zones du cerveau primaire, qui régit nos émotions, "s’allument". Dans le cortex, les zones chargées du contrôle "s’éteignent". Le désir peut monter sans inhibition. C’est le côté aveuglant de la libido. - Vous tombez sur une banale photo de la personne aimée.
Ce sont alors d’autres zones qui s’activent dans le cerveau primaire. L’amour est aussi neurobiologique.
La libido, une question de survie
Et si notre libido était surtout dictée par le profond instinct de survie de l’espèce ? Le moyen le plus efficace pour assurer au mieux notre descendance est le brassage des chromosomes, un échange génétique entre partenaires constamment renouvelé. En clair : copulons afin de perpétuer la lignée des Homo sapiens sapiens. Certains chercheurs vont jusqu’à dire que même le sentiment amoureux a été sélectionné par l’évolution pour garantir le maintien de l’espèce humaine !
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