jeudi 13 septembre 2012

Des souvenirs artificiels créés… en laboratoire


Même un cerveau mort peut avoir de la mémoire. Des scientifiques ont recréé des souvenirs artificiels dans du tissu cérébral de rat, retenus pendant une dizaine de secondes. De belles perspectives en vue ?
La mémoire est un processus très complexe qui se décline en de nombreuses facettes. Qu’elle soit à court ou à long terme, consciente ou inconsciente, elle n’implique pas les mêmes processus. Ainsi, il ne se passe pas la même chose dans le cerveau quand on le sollicite pour pédaler sur un vélo une fois qu’on maîtrise la technique ou bien lorsqu’on veut simplement retenir un numéro de téléphone le temps de le composer.
Dans une étude parue dans les colonnes de la revue Nature Neuroscience, des chercheurs de la Case Western Reserve University School of Medicineracontent comment ils sont parvenus à observer et créer cette mémoire à court terme dans des cerveaux de rats morts. Incroyable mais vrai !
La mémoire à court terme in vitro
Évidemment, réaliser cette expérience implique un protocole complexe. Comme il est difficile de se focaliser sur les souvenirs au niveau d’un seulneurone, les auteurs se sont penchés sur des réseaux de cellules nerveuses, situés dans l’hippocampe, une région du cerveau connue pour être l’un des principaux sièges de la mémoire.
Les rats nous aideront-ils à retrouver la mémoire ?
Les rats nous aideront-ils à retrouver la mémoire ? © Janet Stephens, Wikipédia, DP
Les auteurs ont prélevé des morceaux d'hippocampes de rongeurs et y ont placé des électrodes stimulatrices dans certains neurones très particuliers. L'excitation entraînait l'activation de tout un réseau de cellules nerveusesdurant 10 à 15 secondes, caractéristique de la mémoire à court terme.
De précédents travaux, d'abord menés chez les primates puis plus récemment sur des rats, ont montré que la réussite à des tests demémorisation dépendait de l'activation de ce réseau. Physiologiquement, les scientifiques ont donc créé un souvenir transitoire à travers des connexions déjà établies.
Redonner la mémoire aux patients atteints d'Alzheimer ?
Ils sont même parvenus à caractériser les voies d'entrée de la stimulation. Elles sont au nombre de quatre, et ils ont réussi, au cas par cas, à voir par quelle porte l'information était passée.
Dans une seconde partie de l'expérience, le tissu cérébral a été de nouveau stimulé en plusieurs endroits selon un ordre bien précis. C'est alors que les scientifiques ont vérifié que la mémoire à court terme encodait l'information en se fiant à cet ordre de stimulation plutôt qu'au délai entre chacune d'elles.
L’objectif des chercheurs, à terme, est de mieux comprendre tous les processus impliqués dans la rétention de l’information et le fonctionnement de la mémoire. Ils espèrent que cela débouchera sur des applications concrètes sur des maladies neurodégénératives comme la maladie d’Alzheimer, durant laquelle les souvenirs sont mis à mal.

mercredi 12 septembre 2012

Pourquoi devient-on sourd en écoutant la musique trop fort ?


On dit que monter le son des écouteurs ou casques audio peut rendre sourd au moins temporairement. Pourquoi ? Comment ? La réponse nous vient de chercheurs britanniques qui établissent le lien entre décibels et dommages sur les cellules nerveuses…
Qu’ont en commun un baladeur équipé d'un vulgaire casque audio et unmoteur d’avion ? Rien d’évident de prime abord. Pourtant, l’un et l’autre sont capables d’émettre des sons bien trop élevés pour nos oreilles, dépassant les 110 décibels (dB) et entraînant des dommages parfois irréversibles.
Heureusement, ce n’est pas toujours définitif. Après exposition à des sonorités trop fortes, certains individus ne souffrent que de surdité temporaire. Si jusque-là on avait mesuré les conséquences à l’échelle de l’audition, on ignorait encore les causes cellulaires et physiologiques sous-jacentes. Mais des scientifiques britanniques (University of Leicester) apportent finalement la réponse au problème.
Des décibels mauvais pour la myéline
Les auteurs de cette étude dirigée par Martine Hamann et publiée dansPnas sont allés observer de plus près les changements occasionnés par des sons trop élevés dans l’activité électrique du noyau cochléaire dorsal, une région du cerveau dans laquelle transite l’information auditive avant interprétation.
La moitié des neurones passés au crible étaient dépourvus de la couche de myéline qui normalement les entoure. Ce revêtement indispensable accélère et favorise la bonne transmission de l’influx nerveux. En son absence, les cellules nerveuses ne communiquent plus les unes avec les autres. Ainsi, le son est effectivement traduit en message électrique dans le nerf auditif, mais sa progression est vite arrêtée, faute de conduction. Les centres du cerveauchargés de l’interprétation du signal sonore ne recevant aucune information, le sujet n’entend plus rien.
La myéline est un composé principalement constitué de lipides et de protides qui entoure l'axone des neurones et fait office d'isolant électrique. Son rôle est primordial dans le bon transport de l'influx nerveux.
La myéline est un composé principalement constitué de lipides et de protides qui entoure l'axone des neurones et fait office d'isolant électrique. Son rôle est primordial dans le bon transport de l'influx nerveux. © Selket, Wikipédia, cc by sa 3.0
Des baladeurs à bien régler
Mais l’organisme est capable de régénérer cette couche de myéline manquante, un peu comme on remplace un fil électrique défaillant. Le neurone retrouve son fonctionnement normal au bout de trois mois environ et l’audition perdue est finalement retrouvée dans son intégralité.
Les chercheurs se réjouissent d’une telle découverte car selon eux elle contribuera d’une part à favoriser la prévention de telles pertes auditives mais elle offrira sûrement de nouvelles solutions thérapeutiques. Et ouvrira peut-être la voie à d’autres approches de certaines formes de surditédéfinitive.
Pour éviter ces problèmes, la solution paraît tout de même évidente : il faut éviter autant que possible tous ces bruits insupportables. Si les baladeursaudio sont devenus des accessoires très à la mode, il est nécessaire de ne pas pousser le son à son maximum de 100 dB pour ne pas torturer ses oreilles… et la myéline de son cerveau.

dimanche 2 septembre 2012

Le CMV, virus très courant, favorise le diabète chez les personnes âgées


Le cytomégalovirus, un virus bénin rémanent qui infecte la moitié des quarantenaires, pourrait favoriser l’apparition du diabète chez les personnes âgées. Les mécanismes ne sont pas encore élucidés.
  • À lire, notre dossier complet sur le diabète 
Obésitéhypertension artérielle et manque d’activité physique. Voilà les principaux facteurs de risque de diabète. Faudra-t-il ajouter à cela l’infection au cytomégalovirus (CMV), un virus très courant qui s'en prend à un quarantenaire sur deux ? Il se transmet lors de relations sexuelles, par la toux ou l’éternuement, s’installe à vie dans nos organismes mais est, dans la très grande majorité des cas, inoffensif puisqu’il reste à un état dormant.
Cependant, il pourrait se montrer plus dangereux lorsque l’individu avance dans l’âge. C’est ce que suggère un travail mené par des chercheurs de l’Universiteit Leiden, le plus ancien lieu de transmission du savoir des Pays-Bas, auprès d’octogénaires néerlandais. Les résultats, publiés dans la revueImmunity and Ageing, établissent chez ce public un lien entre l’infection par le CMV et les risques de présenter un diabète.
Le CMV déjà impliqué dans le diabète de type 1
Les auteurs ont fait appel à 549 individus âgés de plus de 85 ans. Parmi eux, 80 % étaient porteurs du virus et 15 % présentaient un diabète de type 2. Dans la catégorie des personnes infectées, 17,2 % avaient déclaré la maladie, contre seulement 7,9 % des individus sans CMV. Lorsqu’on pondère ces données en fonction du sexe, de la classe sociale, du passé tabagique ou de la consommation de médicaments, on ne constate aucun changement.
Le pancréas est un organe impliqué dans la digestion et dans la régulation de la glycémie, en sécrétant insuline et glucagon chargés de la contrôler. Le CMV pourrait attaquer les îlots de Langerhans, ces régions qui synthétisent cette première hormone.
Le pancréas est un organe impliqué dans la digestion et dans la régulation de la glycémie, en sécrétant insuline et glucagon chargés de la contrôler. Le CMV pourrait attaquer les îlots de Langerhans, ces régions qui synthétisent cette première hormone. © Henry Grey, Grey's Anatomy, Wikipédia, DP
Des résultats surprenants ? Oui et non. Non parce que le CMV avait déjà été déclaré facteur de risque dans le diabète de type 1, d’origine génétique, dû à la dégénérescence des cellules du pancréas sécrétrices d’insuline. Mais ils étonnent quand même car l’impact du virus sur le diabète de type 2 avait déjà été investigué, sans lien apparent. La différence entre ces études et cette nouvelle recherche était l’âge des participants puisque les sujets de ces premières avaient entre 45 et 84 ans.
Comment le virus provoque-t-il le diabète ?
Cela dirige les scientifiques vers plusieurs hypothèses. Connaissant son agressivité potentielle à l’égard des cellules pancréatiques, la première des théories considère que ces effets délétères ne se manifestent que tardivement et deviennent visibles à 85 ans. Une deuxième évoque les effets indirects de la présence du CMV sur le métabolisme de l’insuline.
Une dernière alternative ne voit pas le virus comme la cause mais la conséquence du diabète. En effet, l’hyperglycémie induit un affaiblissement du système immunitaire qui se caractérise donc par une plus grande propension à être victime d’une infection par le virus. Cependant, cette hypothèse est probablement la moins crédible, dans la mesure où le CMV s’attrape principalement pendant l’enfance et non dans les âges les plus avancés de la vie.
Pour comprendre le rôle précis du virus dans le développement du diabète, il faut organiser un suivi dans le temps. Ainsi, on pourra déterminer si toutes les tranches d’âge de la population sont aussi susceptibles de tomber malade du fait du CMV.

vendredi 31 août 2012

Une bactérie précieuse pour le bébé dans le lait maternel


L’allaitement, depuis longtemps encouragé par les médecins pour ses multiples bienfaits, n’a pas encore révélé tous ses secrets. Une étude parue dans le journal Federation of the American Societies for Experimental Biology apporte aujourd’hui encore un nouvel argument en faveur de l’allaitement.
La majorité des médecins préconise l’allaitement du nourrisson pour de nombreuses raisons : le lait maternel contient les nutriments en quantités adaptées au système digestif fragile du nouveau-né, les anticorps contenus dans le lait confèrent une défense immunitaire dont le nourrisson est dépourvu et la mère et son nouveau-né partagent un moment privilégié.
En plus de tout cela, une équipe canadienne a montré qu’une bactérieprésente dans le lait maternel, Lactobacillus reuteri, aurait un effet apaisant sur les muscles du système digestif. La présence de cette bactérie dans l’intestin aurait pour conséquence de réduire les symptômes de divers troubles comme les inflammations du tube digestif ou la constipation. Les nourrissons, souvent sujets à des troubles de cet ordre, bénéficient alors naturellement de l’aide du microorganisme.

L'allaitement du nourrisson est un moment précieux pour la mère et l'enfant. Crédits C. Quenum/Fotolia
Lactobacillus reuteri diminue les contractions musculaires
Les résultats ont été obtenus grâce aux tests effectués sur des morceaux d’intestin prélevés sur des souris. Ces intestins ont été mis en contact avec de l’eau contenant des Lactobacillus reuteri et les contractions musculaires des tissus en contact avec les bactéries ont été mesurées avant, pendant et après contact. Une autre espèce de bactérie a également été testée mais seule Lactobacillus reuteri diminue l’activité musculaire de l’intestin dès les minutes qui suivent le contact.
Si ces travaux permettent de mieux comprendre le mécanisme d’action de la bactérie sur la modulation de l’activité du système digestif, une autre étude parue dans Journal of Perinatology avait déjà démontré l’effet bénéfique deLactobacillus reuteri chez les nouveau-nés. Cette bactérie administrée aux prématurés permettait de diminuer la colonisation de l’intestin par une levure, Candida, responsable de troubles digestifs.
Ainsi, tous les microorganismes ne sont pas nocifs, puisque certains participent directement à notre bien-être. Si en plus la source se situe dans le lait maternel, pourquoi ne pas en faire profiter Bébé ?

Le lait maternel favorise le bon développement de la flore intestinale


Le lait maternel procure davantage de bénéfices pour le bébé que le lait en poudre. Il favoriserait le bon développement des bactéries de la flore intestinale, intervenant dans la protection contre les maladies et augmentant l’efficacité du système digestif.
La nature propose ce qu’il y a de meilleur. Ainsi, on prête au lait maternel de nombreux bienfaits faisant de lui la nourriture à privilégier pour les six premiers mois de la vie des bébés. Plusieurs recherches ont par exemple montré qu’il limitait de nombreuses maladies diverses et variées, comme lesdiarrhées, les grippes, les infections respiratoires dont l’asthme, lesallergies, les diabètes de type 1 ou la sclérose en plaque.
Certains travaux suggèrent que ce pouvoir presque magique lui est conféré par la flore intestinale, dont on mesure de plus en plus les effets bénéfiques sur l’organisme. Cette hypothèse vient d’être complétée par une nouvelle étude tout juste parue dans les colonnes de Current Nutrition & Food Science, prouvant que le lait maternel favorise la croissance ordonnée des colonies de bactéries intestinales s’abritant derrière un biofilm protecteur et bénéfique.
SigA, l’un des facteurs de la croissance bactérienne
Ce travail se donnait pour objectif de comparer in vitro la croissance debactéries évoluant dans des milieux composés de lait de vache, de lait en poudre (tous deux issus d’une supérette locale) avec du lait maternel, fourni par des volontaires. Une quatrième boîte de Pétri contenait quant à elle desbactéries s’épanouissant dans un environnement nutritif enrichi en SigA, unanticorps retrouvé à haute dose dans le lait maternel, afin de vérifier son rôle dans la mise en place du biofilm bactérien.
Ces tests étaient pratiqués sur deux souches de la fameuse Escherichia coli,micro-organisme nécessaire au développement précoce de la flore intestinale.
Dans le lait maternel, des composés comme la SigA et d'autres permettent aux bactéries Escherichia coli de se regrouper et de former un biofilm.
Dans le lait maternel, des composés comme la SigA et d'autres permettent aux bactéries Escherichia coli de se regrouper et de former un biofilm. © Janice Haney Carr, CDC, DP
Deux minutes ont suffi pour que les bactéries entament leur croissance dans tous les échantillons. Mais l’évolution de la situation variait d’une boîte à l’autre. Ainsi, les E. coli nourries au lait maternel adoptaient un comportement altruiste, s’aggloméraient et étendaient un biofilm, barrière essentielle contre les pathogènes, les infections ou certains antibiotiques.
Pour les deux autres laits, en revanche, rien de comparable. Certes les colonies croissaient, mais les micro-organismes semblaient plutôt se satisfaire d’une politique du chacun pour soi. Autrement dit : pas de biofilmet une vulnérabilité accrue aux agressions extérieures.
Le lait maternel et le secret des biofilms
Seul le milieu contenant la SigA purifiée pouvait tenir la comparaison avec lelait maternel, présentant des résultats intermédiaires entre les deux situations. Non seulement l’effet était moins net, mais il fallait des concentrations jusqu’à 1.000 fois plus élevées pour qu’il soit observé, preuve que l'anticorps à lui tout seul est loin de suffire.
Tous ces résultats réunis suggèrent donc que le lait maternel se compose d’éléments qui favorisent le bon développement des bactéries colonisant les intestins. Si la SigA est l’un des composés actifs contribuant à la formation du biofilm, il n’est pas le seul impliqué.
Les auteurs de ce travail, de la Duke University, ont pour idée de comprendre tous les mécanismes et facteurs impliqués derrière ce processus. Ainsi, ils espèrent découvrir des indices sur l’effet protecteur du lait maternel contre toutes ces maladies, mais l’objectif vise également à améliorer la qualité du lait en poudre afin de fournir aux enfants non nourris au sein les mêmes avantages sanitaires que les autres.
Le lait maternel est recommandé dans les premiers mois de la vie du bébé par rapport aux laits de synthèse. Cependant, toutes les femmes ne peuvent donner le sein et il est important de fournir à leurs enfants tous les avantages que peut procurer l'allaitement. L'étude de la flore intestinale constitue un modèle de choix pour les scientifiques. © Annie Stonner, Fotopédia, cc by nc nd 2.0
Le lait maternel est recommandé dans les premiers mois de la vie du bébé par rapport aux laits de synthèse. Cependant, toutes les femmes ne peuvent donner le sein et il est important de fournir à leurs enfants tous les avantages que peut procurer l'allaitement. L'étude de la flore intestinale constitue un modèle de choix pour les scientifiques. © Annie Stonner, Fotopédia, cc by nc nd 2.0

lundi 27 août 2012

Pourquoi nos doigts sont-ils ridés quand ils sont mouillés ?



C’est la grande question existentielle de tous les temps : mais pourquoi nos doigts ressemblent-ils à des doigts de petits vieux tous talés, ridés, quand ils sont mouillés ?
Un article publié dans le journal Brain, Behavior and Evolution [1] donne une nouvelle réponse à cette éternelle question. Sa réponse est : à cause de la traction !

La réponse habituelle déjà donnée est que le fait d’être ridés est simplement le résultat de l’absorption de l’eau par nos doigts et nos orteils après avoir trempé pendant une longue période dans l’eau. Mais il y a un problème avec cette explication. Premièrement, pourquoi sont-ce seulement nos doigts et orteils qui deviennent ridés ? Deuxièmement, pourquoi est-ce une caractéristique si inhabituelle chez les mammifères, car seuls les êtres humains et les macaques ont les doigts qui rident ainsi ? Troisièmement : pourquoi, s’il s’agit simplement d’une histoire d’osmose, est-ce que nos doigts et orteils cessent-il de rider de la sorte quand les nerfs qui vont jusqu’à eux sont coupés ?

L’article suggère que les doigts ridés permettent un meilleur drainage de l’eau pour assurer un meilleur pouvoir de traction, tout comme le font les pneus sur un véhicule. En examinant les doigts trempés de 28 sujets, les scientifiques ont découvert que chaque doigt affichaient un modèle de rides identique, des rainures déconnectées qui divergent d’autant plus l’une de l’autre qu’elles s’éloignent des empreintes digitales. Ce qui permet à l’eau d’être plus efficacement drainée des doigts quand ils sont comprimés contre des objets, ce qui donne plus de surface et une meilleure prise.

Bien entendu, il ne s’agit que d’une théorie, et les scientifiques ont encore à étudier si ces "petits ruisseaux" minutieux permettent réellement une meilleure prise, tout comme expliquer pourquoi on trouve ces caractéristiques chez si peu d’espèces. Il reste donc encore du chemin avant de pouvoir définitivement répondre aux questions des enfants dans le bain !

La jalousie, ce fléau : et si c'était une question d'hormones ?


LE PLUS. Quand on est jaloux, on peut voir ça comme un charmant défaut. Ou comme une grande souffrance, à la fois subie et infligée à l'autre. Le phénomène méritait d'être étudié, et c'est qu'ont fait des chercheurs. Résultat : les hormones auraient une part de responsabilité dans la jalousie. Pour le Plus, Peggy Sastre, auteure de "No sex" et "Ex utero", analyse les résultats de ces études.



Couple (OJO Images / Rex Featur/REX/SIPA)

La jalousie, un parasite sexué

Plus qu'un vilain défaut, la jalousie est ce "monstre qui s'engendre lui-même et naît de ses propres entrailles", comme l'écrivait Shakespeare dans Othello, un drame vieux de plus de quatre siècles et qui en demeure peut-être la description la plus juste. Plus près de nous, David Buss la définit comme une "passion dangereuse", ruinant couples, amitiés, partenariats... et apportant chaque année sa petite contribution aux statistiques criminelles. Une sale bête, je vous le dis (le premier qui fait référence à Valérie Trierweiler, je le bifle).

Pour les psychologues évolutionnaires, habitués à regarder l’humanité à travers des lunettes darwiniennes, la jalousie est, dans sa variante amoureuse, la résultante prévisible de la sélection sexuelle. Séduire un partenaire est une chose, le conserver en est une autre, tout aussi cruciale : cela suppose de prendre garde aux forces de dissolution du couple, au premier rang desquelles l’irruption d’un tiers tentateur.

Mais la logique darwinienne, friande s'il en est de diversité, parle volontiers de jalousies au pluriel : chaque sexe n’a pas tout à fait les mêmes raisons d’avoir peur de la fidélité de son partenaire, et donc d’être jaloux.

Pour l’homme, la principale menace est l’infidélité sexuelle, dont le résultat direct peut être une progéniture illégitime – cet "enfant dans le dos" ne partageant aucun gène avec son père supposé. Avant les tests de paternité, c’est-à-dire pendant 99,97 % (environ, hein) de l’évolution humaine, cette issue était impossible à vérifier.

Pour la femme, le risque majeur concerne plutôt l’infidélité émotionnelle, c’est-à-dire l’hypothèse que son partenaire s’attache durablement à une concurrente, au point de quitter purement et simplement le foyer. Pour le dire en termes plus génériques et plus conformes à notre passé paléolithique, un homme qui part, c'est un homme qui minimise son investissement marital et parental, crucial pour la survie de la descendance.

Exploration scientifique de la jalousie

On aurait donc une jalousie masculine à dominante sexuelle et une jalousie féminine à dominante émotionnelle. En 1999, pour tester cette hypothèse, une équipe dirigée par David Buss avait conçu un questionnaire reflétant des scènes de la vie quotidienne où les deux formes de jalousie étaient clairement distinctes et les réponses possibles mutuellement exclusives.

Administré à 1122 sujets nord-américains (374 hommes, 748 femmes), le test avait conclu que les hommes se montraient deux fois plus anxieux à l’idée d’une infidélité sexuelle qu’à l’idée qu’une infidélité émotionnelle.

Un autre test – un questionnaire un peu plus complexe où six dilemmes étaient présentés, mélangeant à divers degrés les jalousies émotionnelles et sexuelles, ainsi que des jugements sur soi ou sur son partenaire – avait été administré à 234 Américains, 190 Coréens et 316 Japonais.

On y retrouvait la différence de perception entre les sexes, avec certaines variations culturelles : les Japonais étaient ainsi les moins sensibles à la distinction entre jalousie émotionnelle ou sexuelle – bien que cette différence puisse aussi s'expliquer par la faiblesse des échantillons asiatiques rassemblés par les chercheurs.

La jalousie est-elle hormonale ?

D'où la question que se pose la communauté scientifique depuis maintenant plusieurs dizaines d'années : et si la jalousie avait une grosse composante hormonale ? Pour certains chercheurs, la jalousie féminine serait ainsi directement liée à leur niveau d’estrogènesPlusieurs étudesmontrent aussi que les femmes manifestent de subtils changements comportementaux suivant les phases de leur cycle menstruel.

D'autres ont observé que ces modifications ciblaient principalement des indices de "bonne qualité" génétique chez d'éventuels partenaires masculins, comme la masculinité des traits et certaines odeurs corporelles, et étaient tout particulièrement notables pendant la phase fertile, où les risques de conception sont les plus importants.

Ces petites variations hormonales toucheraient aussi les hommes, pour qui les femmes ovulantes sont plus attirantes que les autres (au niveau du visage, de la voix ou des habits). De même, certaines études ont montré que les hommes cherchaient davantage à "surveiller leur partenaire" (ie. étaient jaloux) quand celle-ci était proche de son pic ovulatoire, et d'autant plus si elle était séduisante. De manière cohérente, d'autres recherches observent enfin que les femmes dont les partenaires masculins ne manifestent pas de "bons" indices génétiques sont aussi celles qui ont le plus de chances d'aller voir ailleurs au moment de l'ovulation.

Quelle jalousie pour les femmes sous pilule ?

Récemment, une équipe de psychologues, de pharmacologues et d'endocrinologues hollandais et écossaisont poussé un peu plus loin ces hypothèses : et si la contraception hormonale (la pilule) avait une incidence sur ce genre de comportements en général, et sur la jalousie en particulier ?

Là encore, leur idée ne tombe pas du ciel, elle est confortée par de nombreuses études antérieures, montrant par exemple que la pilule modère les modifications comportementales citées plus haut, en minimisant la préférence des femmes envers les indices de "bon patrimoine" génétique ou en diminuant leur degré d'attirance auprès des hommes.

Ces scientifiques ont donc émis l'hypothèse que, quand les femmes ne prennent pas la pilule et que leur cycle est régulier, leur jalousie serait exacerbée au moment de l'ovulation et que, quand elle prennent la pilule, elle serait exacerbée tout court par rapport aux périodes où elles ne baignent pas dans un bain estrogénique artificiel.

Pour ce faire, ils ont enrôlé 29 femmes blanches, de 20 à 33 ans, et participant déjà à des tests cliniques sur l'inhibition de l'ovulation induite par la prise d'un contraceptif hormonal. Pour les stimuler un peu, elles étaient soit payées, soit inscrites à un tirage au sort leur permettant de gagner un iPhone ou son équivalent en monnaie sonnante et trébuchante. Parmi ces participantes, 13 entretenaient une relation sentimentale et 16 étaient célibataires – les chercheurs ne le précisent pas, mais je suppute que tout ce beau monde était hétérosexuel.

Sur un minimum de quatre mois, ces femmes ont ensuite été soumises à un questionnaire classique de mesure de la jalousie, le tout durant trois sessions – deux quand elles ne prenaient pas la pilule (pendant la phase fertile et la phase non-fertile), et une quand elles la prenaient. Quand elles ne prenaient pas la pilule, leurs cycles étaient contrôlés par échographie transvaginale, jaugeant la taille de leurs follicules ovariens, et par prélèvements sanguins, mesurant leurs niveaux de progestérone.

La phase "non fertile" du test se déroulait au moins six jours après leur ovulation, la phase fertile, moins de 48 heures après. Pour la phase "pilule" du test, les participantes devaient la prendre pendant au moins trois mois – si les contraceptifs pouvaient être de marques différentes, il s'agissait toujours d'une formule estroprogestative – et répondre au questionnaire au moins 15 jours après le début de leur troisième plaquette.

Complexité de la jalousie, avec ou sans hormones de synthèse

Les résultats des tests ont confirmé les hypothèses des chercheurs, ainsi que les conclusions des études antérieures : globalement, les femmes étaient décroissamment jalouses 1/en phase fertile, 2/en phase pilule, 3/en phase non-fertile. Détail intéressant : les participantes sous pilule ET en couple se montraient bien plus jalouses que leurs camarades célibataires en phase fertile.

Ce qui assoit une autre hypothèse faite sur la jalousie : le phénomène, on s'en doutait, est loin d'être simple et peut se renforcer/s'atténuer en fonction de la situation conjugale de chacun.

Si les femmes ont plus de chances d'être jalouses au moment de leur ovulation, ce sont aussi là qu'elles sont le plus de risques d'aller voir ailleurs si leur partenaire n'est pas un bon parti génétique – un partenaire, qui, à son tour, psychotera davantage quand sa chère et tendre secrétera des estrogènes à tire-larigot.

Et la pilule qui "fait croire" au cerveau que madame est enceinte, tout en modifiant ses préférences reproductives, peut aussi transformer ses "motifs" de jalousie et augmenter son angoisse que monsieur décide d'abandonner sa fictive progéniture.

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