Il a été démontré que des composés de la bière issus du brassage du houblon, les humulones, pouvaient contribuer à traiter différentespathologies, comme le diabète ou le cancer. Leur conformationprécise vient d’être établie, ouvrant la voie au développement de nouveaux médicaments…
La bière serait-elle aussi vieille que la civilisation ? Il y a 5.000 ans déjà, le peuple sumérien louait Ninkasi, la déesse de la bière. Cette boisson alcoolisée s’obtient après un mélange de malt et d’eau chaude, entraînant après différents processus chimiques la formation d’un jus sucré. Une fois porté à ébullition, on y ajoute du houblon. Ce sont les molécules de cette plante, les humulones, dérivées de la lupuline, qui confèrent à la boisson son goût et sa mousse caractéristiques.
Des études publiées ces dix dernières années semblent montrer l’intérêt thérapeutique des humulones, utilisées en petite quantité, contre de nombreuses pathologies telles que le diabète, certains cancers ainsi que l’inflammation ou la prise de poids.
Cependant, il est encore un peu tôt pour en faire des médicaments. L’une des étapes essentielles avant d’atteindre ce but consiste à déterminer la structure tridimensionnelle de chacun de ses composés. C’est ce que viennent de faire des chercheurs de l’université de Washington (Seattle, États-Unis), permettant de mieux comprendre comment réagissent ces molécules et quels pourraient être leurs modes d’action.
La forme des humulones décryptée
Il existe plusieurs types d’humulones, de structures très proches, mais aux propriétés biologiques potentiellement différentes. Même si des composés chimiques sont proches, les variations qu'ils présentent sont fondamentales en médecine et peuvent entraîner des réactions inattendues. Par exemple, on se souvient du thalidomide, un médicament prescrit à la fin des années 1950 et au début des années 1960 aux femmes enceintes victimes de nausées matinales. Ce médicament a provoqué en grand nombre de terribles malformations congénitales. Mais des analyses ont montré qu’une seule molécule à la structure particulière était responsable des pathologies, tandis que les autres, pourtant chimiquement proches, ne présentaient aucun danger.
Les humulones, issues du houblon lors du brassage de la bière, confèrent à la boisson son goût particulier, permettent à la mousse de maintenir une certaine cohésion et ont des propriétés antibactériennes et antioxydantes. Ces moléculesacides possèdent le plus souvent un cycle de cinq atomes de carbone. © Werner Kaminsky
Les scientifiques américains ont donc cherché à établir la conformation spatiale des humulones après extraction, au moment du brassage et de la purification des molécules. Après cristallisation de ces acides, les auteurs de ce travail, publié dans Angewandte Chemie International Edition, ont utilisé la cristallographie par rayons X pour déterminer la structure des molécules.
Non, la bière n’est pas un médicament
Lors du brassage de la bière, la lupuline se transforme et son cycle à six atomes de carbone initialement n’en a plus que cinq. À la fin du processus, deux groupes latéraux peuvent venir se placer au-dessus ou en dessous de l’anneau formé par le cycle, donnant naissance à quatre agencements possibles.
Ainsi, il est possible de déterminer avec quels autres composés chacune de ces molécules peut interagir pour, à terme, comprendre leur activité dans les organismes. L’étape est préliminaire mais essentielle dans le développement de médicaments. Elle permet de voir quelles molécules sont actives contre des maladies définies. Cette découverte permettra certainement d’accélérer le processus de mise au point de nouveaux traitements.
Malheureusement pour les amateurs de bière, la boisson en elle-même n’est pas vraiment préconisée pour améliorer la santé, surtout si elle est consommée sans modération. Seules les humulones, prises de manière isolée et en petite quantité, pourraient s’avérer bénéfiques. Malgré ses millénaires d’histoire, la bière ne connaît donc pas encore le même sort que le cannabis, qui est autorisé dans certains pays pour un usage thérapeutique même s’il est banni pour un usage récréatif. En revanche, elle pourrait être considérée comme le vin rouge : bénéfique à doses modérées.
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