Les tentatives de suicide seraient favorisées par des taux élevés d'acide quinolinique, une molécule produite en cas d’inflammation du cerveau. Des médicaments bloquant son effet seraient déjà en phase de tests cliniques. Prendra-t-on un jour des cachets pour éviter de se faire du mal ?
Depuis plusieurs décennies, certains psychologues ne jurent que par lasérotonine. Plusieurs médicaments contre la dépression permettent d’élever les taux de ce neurotransmetteur, que certains n’hésitent pas à qualifier d’hormone de l'humeur. Cependant, ces antidépresseurs ne sont pas toujours efficaces, obligeant les chercheurs à explorer d’autres voies.
Lena Brundin et ses collègues de la Michigan State University sont de ceux-là. L’une de leurs précédentes trouvailles révélait que le cerveau des patients suicidaires présentait des taux élevés de molécules appeléescytokines. Ces substances sont émises par le système immunitaire et induisent l’inflammation. Des résultats cohérents avec une autre étude, révélant que les souris les plus dépressives présentaient une immunité trop active.
De l’inflammation du cerveau jusqu’au suicide
C’est pourquoi, dans un nouveau travail paru dansNeuropsychopharmacology, les auteurs ont focalisé leur attention sur l’un des fruits de cette inflammation : l’acide quinolinique (AQ). Cette molécule a la particularité de se fixer sur les récepteurs NMDA du cerveau, également sensibles au glutamate, l’un des plus importants neurotransmetteurs.
L'acide quinolinique est une molécule plutôt simple, de formule C7H5NO4. S'il agit sur les canaux NMDA sensibles au glutamate, il serait impliqué dans d'autres troubles neurologiques, y compris dans la maladie d'Alzheimer. © Yizakruul, Wikipédia, DP © Yizakruul, Wikipédia, DP
Cette expérience a suivi 100 volontaires suédois. Parmi eux, 64 ont été recrutés dans un hôpital après une tentative de suicide, les 36 autres ne présentant pas de troubles de l’humeur. Le liquide céphalorachidien (dans lequel baignent le cerveau et la moelle épinière) de ces patients a été dosé afin de déterminer la concentration en AQ.
Le résultat semble clair : les patients suicidaires présentaient des taux d’acide plus élevés que les témoins. L’analyse va plus loin : ceux qui étaient le plus déterminés à mourir atteignaient des sommets dans les concentrations en AQ. La molécule semble donc associée au désir d’en finir. Six mois après les faits, les volontaires ont eu droit à un nouveau prélèvement du liquide céphalorachidien. Les idées noires avaient disparu, et l’acide quinolinique avec.
Les antagonistes du glutamate au pouvoir ?
Cette étude manque de clarté, car elle compare des patients suicidaires avec des individus en bonne santé, et non des personnes dépressives. Ainsi, l’AQ est-il un marqueur de la dépression ou du désir de suicide ? Il est impossible de conclure de manière ferme.
Cependant, ce travail est cohérent avec de précédentes recherches démontrant l’importance de la voie du glutamate dans les troubles de l’humeur. La kétamine, inhibiteur des récepteurs NMDA, a déjà été testée comme antidépresseur, avec succès : les symptômes reculant en seulement quelques heures, même si la prise s’accompagne d’effets secondaires importants.
Désormais, d’autres médicaments aux propriétés identiques entrent dans lesphases cliniques et vise à faire reculer très rapidement l’état dépressif, en s’affranchissant des nausées violentes ou des confusions causées par la kétamine. Après l’heure de gloire de la sérotonine, entrerons-nous dans l’ère des antagonistes du glutamate ?
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